Le génie québécois va rencontrer le génie des anciens Égyptiens: une petite équipe d'ingénieurs de l'Université Laval va contribuer à élucider l'un des plus tenaces mystères historiques, celui de la méthode de construction de la grande pyramide.

Xavier Maldague, professeur à la Faculté de génie électrique de l'Université Laval, et le doctorant Matthieu Klein vont faire subir à l'antique structure une thermographie à l'infrarouge pour en sonder les entrailles.

Sorte d'échographie basée sur la propagation de la chaleur, «cette technologie permet de voir ce qu'on ne peut pas voir: la structure interne», explique Xavier Maldague, titulaire de la chaire de recherche du Canada en vision infrarouge.

Il s'agit d'enregistrer une série d'images thermiques de la surface de la pyramide, à l'aide de caméras infrarouges, pour voir comment la chaleur se propage dans la masse, au fil des heures, des jours, des saisons. À raison d'une image, toutes les 20 minutes pendant un an, les chercheurs seront en mesure de faire un portrait approximatif de la structure interne.

«Ce sont des ondes thermiques de très basse fréquence, qui se propagent très lentement», décrit Xavier Maldague. C'est pourquoi les mesures doivent se prendre sur une période de temps aussi longue.

Une rampe intérieure

Mais que veulent-ils voir ainsi? «Ce qu'on recherche, ce sont des cavités internes», répond le chercheur.

L'architecte français Jean-Pierre Houdin a conçu une théorie selon laquelle la grande pyramide n'aurait pas été construite à l'aide d'une rampe extérieure qui s'allongeait à mesure que la pyramide s'élevait, et sur laquelle les blocs de pierre étaient tirés à force d'homme. Une telle rampe aurait atteint une longueur considérable à l'approche du sommet.

Selon l'hypothèse de Houdin, une rampe extérieure n'aurait servi qu'à construire le premier tiers de la pyramide, qui représente les deux tiers de son volume total. Pour les deux derniers tiers de l'édifice, les pierres auraient transité par un corridor intérieur en pente, aménagé à quelques mètres derrière les faces à mesure de l'érection.

Qui plus est, le parement lisse aurait été posé pendant l'érection plutôt qu'à la toute fin. Sur un nouvel étage de pierres, on plaçait d'abord les blocs de parement pour ensuite faire le remplissage vers l'intérieur, seule manière de dresser des faces géométriquement exactes.

C'est ici qu'intervient l'équipe de Xavier Maldague. «L'approche infrarouge devrait permettre de discerner la présence d'une rampe intérieure», indique-t-il. Courant derrière les faces en une longue spirale jusqu'au sommet, elle laisserait une cavité que la thermographie permettra de repérer.

En 2010, Matthieu Klein avait pris connaissance de la théorie de Jean-Pierre Houdin dans un reportage télédiffusé, et avait immédiatement compris que la thermographie infrarouge permettrait d'en apporter la preuve - ou de la réfuter. Jean-Pierre Houdin a accepté la proposition avec enthousiasme.

Xavier Maldague a d'abord confirmé la validité du principe en sondant un édifice du campus de l'Université Laval, puis un ancien édifice du Vieux-Québec, aux murs épais de trois mètres.

L'expérience sur la pyramide aurait déjà dû être en cours, mais les événements du Printemps arabe ont retardé sa réalisation.

Avec une nouvelle administration des antiquités égyptiennes et un contexte politique refroidi, Xavier Maldague a bon espoir que les autorisations soient accordées sous peu. «Matthieu Klein devrait installer le système au cours des prochains mois», estime-t-il. Il pointera une caméra sur la face sud-ouest de la pyramide, probablement depuis une chambre d'hôtel qui donne sur l'antique édifice.

Dans un an et demi - peut-être deux avec l'analyse des données -, on devrait avoir beaucoup progressé dans la résolution d'un mystère qui hante l'humanité depuis près de 45 siècles.