Dans un angle de son bureau, un (petit) piano à queue, où attend une partition tirée du film Cinéma Paradiso.

Depuis qu'il a été nommé directeur général de l'École de technologie supérieure (ETS), en février dernier, Pierre Dumouchel ne trouve plus le temps d'en jouer à la maison.

Le piano l'a donc suivi au travail, auquel il peut arracher quelques minutes de tranquillité, le soir venu...

La présence de l'instrument est emblématique: la musique a inspiré toute sa vie d'ingénieur.

Excellent pianiste au sein d'une famille de musiciens, il aurait pu envisager d'en faire une carrière. Mais il était également attiré pas la recherche scientifique. Sa mère l'a laissé suivre le chemin de son coeur avec une bénédiction inverse de celle qu'on aurait attendue: si ça ne marche pas en sciences, lui a-t-elle dit, tu pourras toujours faire carrière en musique!

Pierre Dumouchel a donc entrepris un bac en génie électrique à l'Université McGill. «C'était le début des synthétiseurs, explique-t-il. Ça m'intéressait de comprendre toutes ces choses et c'est pourquoi j'ai choisi le génie.»

Il a poursuivi sur la même note avec une maîtrise et un doctorat en télécommunications à l'Institut national de recherche scientifique (INRS).

«Ma carrière scientifique s'est déroulée en trois temps», décrit-il, en se surprenant au passage à utiliser un terme musical.

Premier temps, il a été chercheur à l'INRS et au Centre de recherche informatique de Montréal (CRIM). Il est ensuite devenu vice-président, recherche et développement du CRIM. Troisième temps, il s'est joint à l'ETS, où il a été le directeur-fondateur de la maîtrise en technologies de l'information.

Au rythme de ces années, une même passion: l'univers sonore. Il s'est tour à tour intéressé à la reconnaissance de la parole, l'identification vocale, la reconnaissance des émotions dans la voix.

Mais Pierre Dumouchel n'avait pas abandonné la musique - ni la musique Pierre Dumouchel. Jusqu'au début 2014, il a dirigé le Grand orchestre de Châteauguay. Sous sa baguette, l'orchestre d'une quarantaine de musiciens a fait plusieurs tournées en France et a accompagné des artistes comme Yves Duteil, Marc Hervieux, France D'Amour.

«C'est une bonne école de gestion de personnel», observe le nouveau chef de l'ETS.

Il en prend la tête alors qu'elle fête son quarantième anniversaire. Avec 8000 étudiants, l'ETS est l'école qui forme le plus d'ingénieurs au Québec. Son programme coopératif de trois stages obligatoires lui donne une tonalité très nette: «Nous, c'est le génie pour l'industrie.»

Pierre Dumouchel prend Waterloo comme modèle de réussite - évidemment, il faut adopter ici le point de vue victorieux des Britanniques et des Prussiens.

L'Université de Waterloo, dans la ville qui tire son nom de la célèbre dégelée napoléonienne, a mis au point un programme de formation coopératif largement reconnu. L'institution a bâti autour d'elle un environnement propice à l'entrepreneuriat et à la création d'entreprises.

«Notre vision, c'est de former ici un écosystème comme à Waterloo», indique Pierre Dumouchel.

Déjà, le carrefour d'innovation INGO héberge depuis 2011 de petites entreprises innovantes en démarrage. Créé en 1996, le Centre de l'entrepreneurship technologique (Centech) est un incubateur qui soutient tous les stages de développement des entreprises technologiques et manufacturières. L'ancien planétarium Dow, propriété de l'ETS, accueillera un accélérateur d'entreprises, voué notamment à transformer les inventions des étudiants en innovations manufacturables. «Le planétarium deviendrait l'épicentre de l'innovation à Montréal, entrevoit déjà Pierre Dumouchel. C'est ce que je veux faire autour d'ici: un écosystème de jeunes entreprises.»