Les révélations de la commission Charbonneau continuent d'ébranler les ingénieurs de la relève, à la fois «indignés, amers et en colère» par rapport au comportement de cette «poignée de pommes pourries» qui ont éclaboussé la profession.

«Nos jeunes sont entrés ici avec l'espoir de faire la différence, de faire partie de la solution dans la société, et ils réalisent que le merveilleux monde des adultes qui les accompagne est pourri, au fond», constate Bernard Lapierre, coordonnateur des cours d'éthique appliquée à l'ingénierie à Polytechnique Montréal.

Sans le dire de cette manière, l'homme de 59 ans, à Polytechnique depuis 13 ans, constate que la réalité vient de rattraper les futurs ingénieurs. Il ne cache pas que les révélations troublantes des ingénieurs, qui ont fait étalage de leur modus operandi lors de leurs témoignages devant la juge Charbonneau, sont l'objet de nombreuses «discussions de corridors» à Polytechnique.

«Nos étudiants ont l'impression d'être tous mis dans le même panier, indique le philosophe et éthicien. Ils ont le sentiment qu'ils n'y peuvent rien pour renverser la perception de monsieur et madame Tout-le-Monde, pour qui un ingénieur, c'est un ingénieur. Pourtant, il y a ici une dizaine de concentrations en ingénierie.»

Vent de changement

Bernard Lapierre refuse de brosser un portrait tout noir. Il est même persuadé que ces jeunes de 18 à 22 ans vont bientôt amener un vent de changement au sein de la profession.

«Nous parlons ici d'ingénieurs du XXIe siècle sensibles aux questions environnementales, au développement durable, à ce qui se passe ailleurs sur la planète, relève-t-il. Nous sommes loin des ingénieurs qui ont témoigné devant la commission Charbonneau.»

Il s'attend également à ce que les futurs diplômés aient une tolérance zéro pour tout ce qui touche l'éthique et les possibles conflits d'intérêts. Sur cet aspect fondamental, il rappelle que, bien avant le déclenchement de la commission d'enquête, des étudiants avaient dénoncé des pratiques condamnables lors de stages dans certaines firmes d'ingénieurs.

«Nous avions alors immédiatement stoppé ces stages où on demandait à nos étudiants de se soumettre à des pratiques frauduleuses et où on leur disait: "Écoute, mon jeune, c'est comme ça que ça marche! "»

Taper sur le clou

Pierre Rivet, directeur du Service de l'enseignement coopératif à l'École de technologie supérieure (ETS), croit aussi que les futurs ingénieurs seront «mieux équipés», à l'avenir, quand on leur demandera de mettre leur expertise au service des municipalités, des gouvernements et des entrepreneurs.

«Faut le voir de cette façon-là. Ce qui est arrivé et ce qu'on a entendu à la commission Charbonneau sera positif pour les futurs ingénieurs. Ils seront encore plus sensibilisés aux questions d'éthique et d'intégrité parce qu'ils auront eu l'occasion de prendre connaissance des comportements déplorables d'un certain nombre d'ingénieurs.»

Le directeur rappelle que l'École avait commencé à «taper sur ce clou», il y a deux ans, pour former des ingénieurs «responsables et intègres».

Cela suffira-t-il à faire taire ceux qui mettent tous les ingénieurs dans le même panier? «Il y aura toujours du monde pour dire aux futurs diplômés: «Tu vas faire de l'argent plus tard», relève le directeur à l'ETS. Il y a du sarcasme, nos étudiants l'observent.»