Les scandales qui entachent certaines grandes sociétés de génie-conseil ont eu des répercussions sur les petites firmes et sur les écoles de génie du Québec. Heureusement, la relève s'amène, compétente et passionnée.

Les firmes d'ingénieurs qui n'ont pas été éclaboussées par les révélations faites à la commission Charbonneau tirent-elles un quelconque avantage de la crise qui secoue actuellement le monde du génie-conseil au Québec? Ont-elles été récompensées pour leur bonne conduite, ou sont-elles des victimes collatérales? Un peu des deux, ont indiqué trois bureaux d'ingénieurs à qui nous avons posé la question.

Les firmes montréalaises Bouthillette-Parizeau, GCM Consultants et Pageau-Morel soutiennent qu'elles n'ont rien à se reprocher. La game politique et le lobbying n'ont jamais fait partie de leur ADN. Et les secteurs qu'elles occupent les ont tenues loin des appels d'offres publics. La passion du génie a donc toujours prévalu sur l'expansion à tout prix, disent-elles en substance.

Même s'il déplore l'état de la situation, Normand Thouin, président de GCM Consultants, dit récolter ce qu'il a semé au cours des dernières années. «Les valeurs ont toujours été au coeur de notre entreprise, explique-t-il. Quand nous avons été écartés de certains projets municipaux de façon injustifiée, malgré notre expertise, on s'est dit qu'on allait se tenir loin de ce milieu-là.»

Spécialisée dans le secteur industriel et ses nombreuses déclinaisons (pétrole, pétrochimie, mines et métaux, manufacturier, pharmaceutique), GCM a actuellement le vent dans les voiles. Entre autres parce qu'elle tire 50% de ses revenus de l'Ouest canadien, mais aussi grâce à la nature de ses activités industrielles au Québec.

Bientôt 500 employés

La firme de 300 personnes embauche, bon an mal an, près de 80 nouveaux travailleurs. D'ici 2015, elle pourrait bien franchir le cap des 500 employés. Seul élément «positif» de la crise qui secoue actuellement le monde du génie: les ingénieurs qui postulent chez GCM sont plus nombreux que jamais.

Il en va de même chez Bouthillette-Parizeau, ainsi que chez Pageau-Morel. Les ingénieurs qui quittent le navire des grands bureaux se tournent vers les plus petits joueurs à qui les autorités n'ont rien à reprocher.

«Ça aurait dû nous toucher positivement, car les grandes firmes ont été écartées, ce qui fait moins de concurrence. Mais en même temps, les projets ne sont pas au rendez-vous. Ils sont mis sur la glace. L'effet net est plus négatif que positif», explique Claude Décary, président de Bouthillette-Parizeau.

Cette firme de 260 employés, qui oeuvre en génie mécanique et électrique, de même qu'en immotique (domotique non résidentielle), a fait le choix de prendre de l'expansion lentement, mais sûrement. De façon organique, mais aussi en faisant l'acquisition de petits bureaux spécialisés.

Regrettant que les grandes firmes québécoises de génie passent de plus en plus sous contrôle étranger, Claude Décary se fait philosophe: «Je dis à nos employés: continuez à faire votre travail. Les ingénieurs québécois sont bons. La crise va passer. Les coupables répondront de leurs actes.»

Nicolas Lemire, président de Pageau-Morel, reçoit lui aussi des CV comme jamais auparavant. «On sent beaucoup d'intérêt pour notre entreprise, affirme-t-il. Notre site web est plus consulté que d'habitude. Malheureusement, les grands donneurs d'ouvrage ont mis le pied sur le frein.»

Le patron de la firme spécialisée dans la mécanique et l'électricité de bâtiment est dubitatif devant la réaction des gens. Surtout en ce qui concerne les grandes firmes qui sont au banc des accusés. «L'opinion publique trouve triste que les grands bureaux doivent mettre des gens à pied, soutient-il. Mais on oublie que les plus petits acteurs, comme nous, ont aussi dû mettre des gens à pied, même si on a respecté les règles.»