L'ouragan Sandy, qui a frappé récemment la côte est américaine, a démontré la vulnérabilité des infrastructures devant l'intensité croissante des phénomènes climatiques. Cette tempête dévastatrice a laissé sur son passage des dégâts matériels considérables qui pourraient atteindre 50 milliards de dollars et un bilan humain frôlant les 100 morts.

Au mois de mai dernier, une tempête avait grandement endommagé le système de drainage de Montréal, provoquant des refoulements d'eaux sanitaires et des inondations dans l'ensemble de l'île. Une autre colère du ciel qui avait touché autoroutes, rues et stations de métro.

Le niveau maximal de résistance d'une infrastructure, pourtant prévu pour résister aux situations climatiques inhabituelles, est de plus en plus souvent dépassé, observe Chee F. Chan, analyste au département des études économiques et sociales chez AECOM Consultants à Montréal, firme internationale de génie conseil. «L'intensité de certains phénomènes climatiques excède souvent la marge de sécurité calculée initialement par l'ingénierie», dit-il. Ainsi, lors de la crise du verglas en 1998, près de 1000 pylônes d'acier n'avaient pas résisté au poids de la glace et s'étaient effondrés, privant ainsi d'électricité jusqu'à 1,4 million de Québécois.

Un protocole préventif

En 2005, Ingénieurs Canada, organisme national chargé de réglementer l'exercice du génie au pays, s'est penché sur l'impact des changements climatiques sur les infrastructures publiques et a créé avec d'autres partenaires le Comité sur la vulnérabilité de l'ingénierie des infrastructures publiques.

Cette initiative avait permis d'élaborer un protocole d'ingénierie, une procédure servant à évaluer la vulnérabilité de quatre catégories d'infrastructures: bâtiments, routes et structures connexes, réseaux d'eaux pluviales et d'eaux usées ainsi que les ressources en eau.

«Cet outil est également destiné à aider les propriétaires d'infrastructures à élaborer des solutions en fonction de critères socio-économiques et environnementaux», indique Chee F. Chan.

Spécialisé dans les domaines de l'aménagement du territoire, des transports et des infrastructures, M. Chan a participé activement à la réalisation de ce protocole.

En plus des propriétaires d'infrastructures que sont les trois ordres de gouvernement, le protocole prévoit la participation des ingénieurs et des experts en climat en vue d'aboutir à une réflexion sur la vulnérabilité des infrastructures publiques.

«Au Canada, l'effet graduel du gel suivi d'une période de dégel a un impact sur le béton et fragilise nos infrastructures, précise M. Chan. Notre objectif est d'inciter les autorités publiques à réagir devant des changements climatiques plus fréquents et parfois plus intenses en privilégiant la prévention, comme l'entretien et les mesures d'inspection.»

Il a présenté les grandes lignes du protocole lors du Congrès mondial de la Fédération internationale des ingénieurs-conseils (FIDIC), qui s'est tenu en septembre à Séoul, en Corée du Sud.

«L'utilisation du protocole est actuellement optionnelle au Canada. Par contre, certains pays d'Amérique latine commencent à l'utiliser pour évaluer leurs infrastructures», souligne avec optimisme Chee F. Chan.

À titre comparatif, les autorités gouvernementales du Royaume-Uni exigent que certains ministères évaluent les impacts climatiques sur les structures publiques.

Même si chaque infrastructure a ses propres faiblesses, certaines doivent être prioritairement étudiées et adaptées aux changements climatiques. «Selon moi, il faut concentrer les efforts sur la sécurité et la santé publique, croit Chee F. Chan. Sur le plan des infrastructures, cela relève de l'eau potable, de l'électricité et des eaux usées. Il faut protéger les endroits côtiers ou ceux situés à proximité de cours d'eau.»

Les gaz à effet de serre (GES) sont en partie responsables de l'évolution du climat et accélèrent la fréquence des phénomènes météorologiques tout en intensifiant leurs impacts.

«Plus les phénomènes climatiques s'intensifieront, plus nous devrons nous adapter, poursuit-il. Nous l'avons vu récemment lors de l'évacuation de la ville de New York avant le passage de l'ouragan Sandy. Nous devons considérer les changements météorologiques et ne pas garder la tête dans le sable.»

Chee F. Chan voit un avenir prometteur pour le protocole d'ingénierie. Jusqu'à maintenant, plusieurs infrastructures au Canada ont été évaluées, dont récemment l'aéroport international Lester-B.-Pearson de Toronto et le système de distribution d'électricité torontois.rd