La fermeture prochaine de la centrale nucléaire Gentilly-2 forcera non seulement une poignée d'ingénieurs à réorienter leur carrière, mais annonce aussi une réorganisation des programmes d'enseignement de génie dans les universités québécoises.

Le premier touché pourrait bien être le programme de génie nucléaire de l'École Polytechnique. S'adressant à des étudiants de 2e et de 3e cycle, son existence est étroitement liée à la présence d'une centrale nucléaire sur le sol québécois.

«Il va certainement y avoir un impact sur notre programme de formation, confirme Guy Marleau, professeur de physique nucléaire et directeur de l'Institut de génie nucléaire à l'École Polytechnique. Ça va être plus difficile de recruter de nouveaux professeurs, et de convaincre l'École de l'importance du programme si on ne les remplace pas.»

Son diagnostic est sombre: «Le programme pourrait donc mourir à plus ou moins long terme», ajoute-t-il.

Avec les années, l'institution a acquis trois expertises en génie nucléaire. Une première dans la conception de logiciels qui permettent de simuler et d'analyser les réacteurs nucléaires, une deuxième en composantes thermohydroliques des réacteurs nucléaires, et finalement, une expertise rattachée à un réacteur nucléaire, le Slowpoke, qui loge au sein même de l'École.

Ces expertises attirent bon nombre d'étudiants étrangers. Environ 70% de tous les étudiants de 2e et de 3e cycles du programme viendraient même de l'extérieur du Québec, selon Guy Marleau.

«On attire des étudiants qui veulent travailler avec des gens bien reconnus à l'international», explique-t-il.

Pour les étudiants qui voudront faire carrière au Québec, les possibilités d'emploi risquent de s'amenuiser, prévoit le professeur affilié à l'École Polytechnique. Il parle même au passé des entreprises comme SNC-Lavalin, Génivar et Dessau, qui comportent toutes une division en génie nucléaire au Québec.

«Pour cinq ou six des étudiants au doctorat qui sont Québécois, disons que ça leur fait mal, indique Guy Marleau. Ils pensaient avoir l'occasion de travailler au Québec, soit comme professeur dans une université, soit comme chercheur chez Hydro-Québec ou à Énergie atomique du Canada. Ils avaient la vision qu'un jour, ils pourraient revenir au Québec après avoir fait des études doctorales. Maintenant, ils sont beaucoup moins rassurés à ce propos.»

Présage peut-être de ce qui allait être annoncé à l'automne, le département avait perdu en juin dernier une chaire d'Hydro-Québec en génie nucléaire. Avec elle disparaissaient 150 000$. «Cet argent servait d'aide financière aux étudiants à la maîtrise et au doctorat», explique Guy Marleau. Selon lui, ce sont maintenant sept étudiants du programme en génie nucléaire qui ne reçoivent plus d'appui financier pour cette raison.

D'autres programmes aussi

Même si elle n'offre pas de programme spécialisé en génie nucléaire, l'Université du Québec à Trois-Rivières (UQTR) va également ressentir la fermeture annoncée de Gentilly-2.

«Je ne pense pas que ça va mener à la fermeture de programmes, mais ça va avoir un impact», assure Georges Abdul-Nour, professeur au département de génie industriel de l'UQTR.

Selon lui, plusieurs programmes profitaient de la présence de Gentilly non loin de l'institution universitaire, notamment ceux de génie électrique et de génie mécanique. Aucun n'en profitait toutefois autant que celui de génie industriel.

«On avait un projet de coopération avec le département de fiabilité de Gentilly depuis 1992 ou 93, explique-t-il. On a formé plusieurs étudiants en fiabilité là-bas. Plusieurs sont restés à la centrale et d'autres ont été transférés à Montréal chez Hydro-Québec.»

«Pour nous, Gentilly était vraiment une pépinière pour former de bons étudiants», ajoute-t-il.

Centre de consultation

Question d'éviter la perte de cette expertise mise en place à Gentilly-2, le professeur de l'UQTR suggère d'ailleurs de maintenir une partie de l'équipe actuelle en place.

Elle pourra former un centre de consultation et de soutien pour la division Hydro-Québec production et transport.

«Hydro-Québec pourrait transformer la centrale en un centre d'expertise en fiabilité, essais et maintenance, décrit-il. Ça deviendrait un gros plus pour Hydro-Québec et pour la région. L'équipe est déjà là, et il ne faudrait pas perdre cette expertise.»