La concurrence dans le secteur du génie-conseil québécois est-elle plus saine qu'avant ? Un peu plus de deux ans après le rapport final de la commission Charbonneau et dans le contexte de l'avènement prochain de l'Autorité des marchés publics (AMP), la réponse est oui, selon l'association regroupant les firmes de génie-conseil. Voici pourquoi.

Selon André Rainville, PDG de l'Association des firmes de génie-conseil, le Québec est mieux équipé que jamais pour assurer une saine concurrence. Bref, dit-il en substance, il n'y a jamais eu autant d'outils pour contrer les fraudes et les abus dans le monde du génie-conseil et de la construction.

OUTILS DE SURVEILLANCE

« Le public, soutient M. Rainville, peut faire confiance à notre industrie dans un contexte où le Québec a mis en place des outils de surveillance comme l'UPAC, la Commission d'enquête sur l'octroi et la gestion des contrats publics dans l'industrie de la construction (CEIC) et bientôt l'AMP. »

Les firmes de génie-conseil, rappelle-t-il, ont elles-mêmes apporté quantité d'ajustements dans leurs organisations ces dernières années, dont des changements de gouvernance, la mise en place de codes de conduite, de lignes de dénonciation, etc.

«Le Québec est mieux outillé qu'il ne l'était auparavant. On peut se comparer aux autres endroits dans le monde où il y a eu de la tricherie et où des organismes de surveillance ont par la suite été mis en place», affirme André Rainville.

D'ailleurs, dit-il, seules quelques firmes de génie-conseil sur les quelque 250 répertoriées au Québec ont porté ombrage à l'ensemble de la profession en étant de connivence avec des entreprises en construction pour des histoires de partage de contrats, de factures gonflées, de pots-de-vin, etc.

Désormais, le nouveau crédo de l'industrie est de permettre à plus de soumissionnaires de participer aux appels d'offres, précise M. Rainville. « Comme association, on travaille en ce sens, dit-il. Les contrats publics représentent 40 % du chiffre d'affaires des grandes sociétés et 60 % dans les petites sociétés. Une saine concurrence ne peut qu'apporter des ouvrages de qualité. »

« MARCHÉ OUVERT »

Selon Me Denis Gallant, inspecteur général à la Ville de Montréal et ex-procureur en chef adjoint de la CEIC, la concurrence entre les firmes québécoises de génie-conseil est effectivement plus saine. « On a encore les mêmes joueurs qu'avant. Certains ont changé de nom, d'autres ont changé de main. Par contre, en termes de veille des contrats, on arrive à la conclusion que le marché est ouvert », explique-t-il.

Le patron du Bureau de l'inspecteur général (BIG) de la Ville de Montréal se réjouit de la mise sur pied de l'AMP. Le mandat du nouvel organisme de surveillance sera d'ailleurs très large, souligne-t-il.

« Je ne peux pas vous parler des enquêtes actuellement en cours. Par contre, ce que je peux vous dire, c'est qu'il y a désormais plus de concurrence entre les firmes de génie-conseil », dit Me Gallant.

L'AMP aura pour mandat de surveiller l'attribution des contrats publics, incluant les processus d'adjudication et d'attribution de ceux-ci. Le nouvel organisme aura autorité sur l'ensemble des ministères et des organismes publics, dans les commissions scolaires, mais aussi dans toutes les municipalités de la province. À Montréal, le rôle de l'AMP sera cependant joué par le BIG.

« Je vois d'un bon oeil l'arrivée de l'Autorité des marchés publics. Il ne faut jamais oublier que c'était la recommandation numéro un de la commission Charbonneau. Il était plus que temps que ce soit adopté », fait remarquer Denis Gallant.

ORDRE DES INGÉNIEURS : PAS DE COMMENTAIRES

L'Ordre des ingénieurs du Québec (OIQ) préfère ne pas commenter le dossier pour le moment. « C'est un sujet sur lequel on souhaite se pencher puisque de nombreux membres participent à la gestion et à l'attribution de contrats. Avant de se prononcer, l'Ordre doit cependant évaluer comment se positionner sur ce sujet en fonction de la responsabilité professionnelle des ingénieurs et dans le cadre de son mandat de protection du public », a répondu par courriel Aline Vandermeer, de la direction des communications de l'OIQ.

Au bureau de Robert Poëti, ministre délégué à l'Intégrité des marchés publics et aux Ressources informationnelles, on se fait avare de commentaires quant à l'entrée en vigueur de l'Autorité des marchés publics.

« Nous sommes en appel de candidatures pour le poste de PDG de l'AMP. Et selon un amendement de la loi 108, ce nouveau PDG devra être choisi par les deux tiers de l'Assemblée nationale », a expliqué Vanessa Guy, attachée de presse au cabinet du ministre Poëti.