D'ici un mois et demi, tout au plus, le fonds public/privé AmorChem annoncera deux investissements dans de la recherche universitaire québécoise. Et cinq investissements supplémentaires du même type seront confirmés dans les prochains mois. C'est ce que nous a confié Mme Inès Holzbaur, associée principale chez AmorChem.

Rappelons que le fonds AmorChem a été créé l'an dernier et que l'on attendait depuis des mois qu'il commence à placer les 41,2 millions qu'il avait réunis. Ces sommes proviennent des créateurs du fonds: Investissement Québec, FIER Partenaires, le Fonds FTQ, la pharmaceutique Merck et des investisseurs privés.

Ces investissements illustrent le nouveau paradigme de développement des médicaments. Les pharmaceutiques, au lieu de tout faire elles-mêmes, impartiront les tout premiers stades de la recherche, finançant les «eurêka!» des universitaires et des biotechs. Ceci, dans l'espoir de voir ces découvertes se transformer en nouvelles avenues thérapeutiques qu'elles continueront de financer et de développer.

Samir Mounir, directeur de la Cité de la Biotech et du Biopôle à la Ville de Laval rappelle que l'implication de Merck dans AmorChem illustre ce changement fondamental de méthode d'arriver aux prochains composés thérapeutiques. «Merck n'est pas seule. En novembre dernier, Glaxo a créé un fonds de 50 millions pour financer de la recherche de ce type au Canada. Et le Consortium québécois sur la découverte du médicament (CQDM) procède exactement de la même façon.»

Le CQDM est aussi un fonds privé/public. Créé en 2008, il investit des sommes versées par ses partenaires: le Fonds de recherche en Santé du Québec, le MDEIE et des pharmaceutiques dont Merck, Pfizer, Astra Zeneca, Boehringer Ingelheim, Glaxo et Eli Lilly. Le programme fédéral des réseaux d'excellence est également impliqué.

Le CQDM finance des projets de recherche aux premiers stades de la découverte et les résultats sont partagés entre les pharmaceutiques partenaires. Divers programmes offrent aux chercheurs qui gagnent ces concours entre 150 000$ et deux millions par projet de recherche.

La face sombre

Ce changement de paradigme, pour joyeux qu'il soit pour les universitaires et les biotechs du Québec, n'en a pas moins son côté sombre pour les chercheurs des pharmas. À Saint-Laurent, la fermeture des laboratoires de recherche d'Astra Zeneca, annoncée en février 2012, amènera la perte de 132 emplois à temps plein. Ces employés sont pour la très forte majorité des scientifiques très spécialisés. Les labos d'Astra exploraient de nouvelles avenues pour le traitement de la douleur. Cette fermeture ne touche pas que Montréal. Astra a annoncé le 2 février qu'elle supprimera 7200 postes dans le monde.

Philippe Walker, directeur scientifique de l'unité de recherche de Saint-Laurent, a déclaré à plusieurs reprises que si la multinationale d'origine suédoise avait choisi Montréal pour son centre de recherche sur la douleur c'était justement à cause de l'excellence de la recherche fondamentale montréalaise en neurologie.

Ironie du sort, avec le changement de paradigme, il y a de fortes chances que ce soit maintenant justement les universitaires qui profitent de la manne financière des pharmas. Les labos pharmaceutiques privés, hélas, pourraient voir d'autres coupures et fermetures.