Le Canada et l'Union européenne veulent en venir à une sorte d'ALENA transatlantique. Mais pour y parvenir, ils doivent arriver à harmoniser leurs lois et règlements en matière de protection de la propriété intellectuelle.

Et on est loin de l'harmonie en ce domaine, surtout pour les produits pharmaceutiques brevetés.

Le premier couac concerne la relation pour le moins orageuse entre les pharmas innovatrices et les génériques.

Les innovatrices vont parfois devant la cour canadienne pour dénoncer une présumée infraction à leurs brevets par une générique, avant même que la générique mette sa copie en marché. En cela, nous ne sommes guère différents de l'Europe ou des États-Unis, où ces litiges abondent aussi.

Mais il n'y a qu'au Canada que l'innovatrice n'a pas le droit d'appeler d'une décision qui lui serait défavorable. Chez nous, la générique peut faire appel, mais pas l'innovante. Cette asymétrie n'existe pas en Europe.

«Ce n'est pas le bon message à envoyer à la communauté internationale», dénonce Russell Williams, président de Rx&D, l'Association des compagnies de recherche pharmaceutique du Canada, qui représente les innovatrices.

Patrick Kierans est associé chez Norton Rose. En juillet dernier, il passait en revue les tiraillements à propos de la protection de la propriété intellectuelle pharmaceutique au Canada.

Au chapitre du droit d'en appeler de la décision de la cour, il écrivait: «À nos yeux, chaque partie doit avoir un droit d'en appeler en tant que simple droit procédural fondamental. Le fait qu'une partie ait déjà certains droits ne peut justifier qu'on lui en nie un autre.»

Brevets pharmaceutiques

On comprendra que l'Association canadienne du médicament générique (ACMG) ne voit pas les choses ainsi. Mais ce n'est pas à la question du droit d'en appeler devant les tribunaux que l'ACMG réserve ses critiques les plus vives. Le 11 octobre dernier, elle se cabrait devant d'autres exigences européennes en matière de brevets pharmaceutiques.

En Europe, comme aux États-Unis d'ailleurs, on ajoute assez souvent une rallonge à la protection du brevet d'un produit innovant.

Cette rallonge intervient pour compenser tout délai à la mise marché du produit, si le délai est causé par des retards administratifs.

«De tous les pays de l'OCDE, il n'y a qu'au Canada et en Nouvelle-Zélande où l'on ne compense pas les innovatrices en allongeant de 3 à 5 ans la protection du brevet», proteste Russell Williams.

Mais pour les génériques, cette prothèse est de trop. Le 11 octobre dernier, l'ACMG rendait publique une analyse de la firme montréalaise E&B Data. Cette analyse, commandée par l'ACMG, conclut que la rallonge du brevet serait néfaste pour l'industrie canadienne du générique, lui faisant perdre des marchés d'exportation et des contrats de fabrication.

La réplique de l'ACMG parle même de fermetures et de délocalisation à long terme.