Les produits-vedettes des grandes compagnies pharmaceutiques internationales achèvent leur très lucrative existence. Entre 2010 et 2012, une douzaine au moins de ces étoiles cesseront de briller parce que leurs brevets s'éteindront. Arrivés au bout de la durée légale de la protection de leur propriété intellectuelle, ces composés passeront dans le domaine public et seront imités par des compagnies de médicaments génériques qui les vendront pour une fraction de leur prix actuel. La tendance est déjà bien amorcée.

Qu'il suffise, pour l'exemple, de citer le Lipitor, l'anti-cholestérol de Pfizer. Son brevet est arrivé à expiration il y a deux semaines. En 2008 seulement, le Lipitor a rapporté 13 milliards à Pfizer. Ces beaux jours sont finis.

Conséquence incontournable, les génériques pavoisent. Selon le rapport Beyond Borders 2011 d'Ernst&Young, alors que les génériques détenaient 47% du marché du médicament aux États-Unis en 2003, elles dominent de façon écrasante en 2010, avec 78%!

«C'est dramatique pour les pharmaceutiques, insiste Catalina Lopez, vice-présidente, affaires scientifiques, chez Génome Québec. Ce n'est pas qu'un coup dur passager, un hasard déplorable qui ferait que, tout à coup, plusieurs brevets s'éteignent en même temps. C'est un modèle d'affaires qui disparaît.»

C'est qu'il n'y a aucun Lipitor 2 ou Viagra 2 dans le pipeline des pharmas. Plus de ces médicaments à tout faire, de ces panacées que, dans le jargon des vendeurs de pilules, on nomme des blockbusters.

Selon Beyond Borders, entre 1996 et 2004 les autorités réglementaires américaines approuvaient en moyenne annuellement pour mise en marché 36 nouvelles entités thérapeutiques par année. De 2005 à 2010, on descendait à 21. Bref, la nouvelle génération ne rattrapera pas l'ancienne.

Jouer sans vedette

«Les pharmas devront apprendre à traiter avec des minibusters à l'avenir, annonce Mme Lopez. Le modèle d'affaires de demain, c'est de s'attaquer à des cohortes plus petites de patients, souffrant de variantes de maladies plus rares, qui résistent à tous les médicaments actuellement présents sur le marché.»

Et si la pilule à tout faire disparaît, la pharma à tout faire la suivra. Les pharmaceutiques sont résolues à ne plus tout faire à l'interne.

Elles se tournent de plus en plus vers les partenariats avec des chercheurs universitaires, des compagnies de biotechnologies et, stupéfiante nouveauté, avec leurs concurrentes!

L'an dernier, un Forum sur les partenariats novateurs en recherche pharmaceutique réunissait à Montréal des représentants de l'industrie et du monde universitaire.

Eric W. Kuja, directeur associé, recherche et développement des affaires pour le monde, chez Pfizer y était et il a résumé ainsi l'état d'esprit des pharmaceutiques: «Le mot d'ordre dorénavant c'est de rejoindre les scientifiques où qu'ils soient dans le monde.»

De nouveaux partenariats

On voit donc apparaître des partenariats étonnants. L'Europe a vu naître au début de 2009 l'Initiative sur les médicaments innovants (IMI), guidée par Michel Goldman, chercheur en immunologie à l'université libre de Bruxelles. IMI dispose de 2 milliards d'euros, dont la moitié provient de fonds publics.

Le but: améliorer l'efficacité des outils de découverte de nouveaux médicaments. Le moyen: créer des consortiums entre les grandes pharmas et les universitaires ainsi que les PME.

Au Québec, le Consortium québécois sur la découverte du médicament (CQDM) a trois ans. Il vise aussi la découverte de nouveaux outils de recherche qui faciliteraient et accéléreraient le processus de développement des nouveaux médicaments.

Merck, Pfizer, Lilly, Boehringer Ingelheim, GlaxoSmithKline et Astra Zeneca y ont financé de concert sept projets de recherche en 2009 et 2010, pour un total de 12 millions.

D'autres guerres de clocher risquent de disparaître avec le grand décloisonnement des pharmas, notamment celles qui opposent le Québec et l'Ontario. Dans ce qui pourrait être une nouvelle version du fédéralisme renouvelé, on a créé le corridor Québec-Ontario en sciences de la vie pour éliminer les barrières et attirer encore plus d'investissements mondiaux.

Comme le dit Tom Hudson, directeur de l'Institut ontarien de recherche en cancer et Québécois d'origine: «Je suis déterminé à ce que notre organisme tisse des liens avec le Québec parce que l'industrie elle-même me presse de le faire.»