Les incubateurs multiplient les stratégies pour améliorer le sort des entreprises qu'ils couvent, que ce soit en leur fournissant un accompagnement ultra-personnalisé, en les forçant à tirer des leçons de leurs échecs ou en leur offrant des voies rapides pour enfin déployer leurs ailes. Tour d'horizon des tendances.

Des incubateurs pour tous les goûts

Chaque année, la National Business Incubation Association aux États-Unis tient une rencontre où se réunissent plus de 600 professionnels de l'incubation.

«On y voit toutes les grandes tendances», observe Martin Dupont, directeur général de la Société de développement économique de Drummondville (SDED). Des incubateurs créés pour des communautés ethniques; des incubateurs voués aux artistes; des incubateurs sectoriels; des incubateurs financés par de grandes sociétés pour démarrer des entreprises qui stimuleront l'économie locale sans leur faire concurrence... «Il y a des incubateurs pour tous les goûts, pourvu qu'on en ait la volonté», constate M. Dupont

PHOTO FOURNIE PAR LA SDED

De plus en plus d'incubateurs estiment que la présence d'un mentor est incontournable pour aider les entreprises incubées à progresser, explique Martin Dupont, directeur général de la SDED.

L'attrait pour les accélérateurs

De plus en plus d'incubateurs s'affichent aussi comme des accélérateurs. «L'accélérateur est une sorte de boot camp pour des entreprises plus matures évoluant dans des secteurs où la validation de marché est plus rapide, comme celui des applications», explique Jean Bibeau, entrepreneur devenu doctorant et chargé de cours en entrepreneuriat à l'Université de Sherbrooke.

L'incubation dure en moyenne 33 mois, contre à 3 à 4 mois pour un programme d'accélération. Les incubateurs-accélérateurs lancent ainsi le message qu'ils peuvent mettre au monde des entreprises rapidement. «Encore faut-il que ces hybrides offrent un véritable programme d'accélération», avertit Jean Bibeau.

PHOTO ULYSSE LEMERISE, COLLABORATION SPÉCIALE

Rares sont les entrepreneurs qui ne connaîtront pas l'échec. Des incubateurs aident les entreprises à en tirer des leçons, explique Jean Bibeau, entrepreneur devenu doctorant et chargé de cours en entrepreneuriat à l'Université de Sherbrooke.

Le coworking: une stratégie payante

Il est désormais commun pour les incubateurs de proposer des espaces de coworking, des lieux de travail collaboratif loués par des travailleurs autonomes et des entrepreneurs sans lien direct avec l'incubateur. La Maison Notman à Montréal en est un exemple. 

«L'incubateur est avant tout un espace de synergie entre entrepreneurs, rappelle Jean Bibeau. C'est la clé du succès. Ensemble, ils brisent leur isolement, s'apportent mutuellement du soutien pendant les coups durs, se sentent compris.» 

Par l'entremise du coworking, les incubateurs nourrissent cette communauté d'esprits... tout en s'assurant des revenus.

PHOTO FOURNIE PAR LA MAISON NOTMAN

Les espaces de coworking sont pratiquement devenus une extension naturelle des incubateurs. On voit ici celui de la Maison Notman à Montréal.

Des mentors incontournables

Les entreprises qui sont admises dans l'incubateur du SDED doivent obligatoirement faire affaire avec un mentor. «Pas de mentor, pas d'incubation! résume Martin Dupont. Les conseils d'un mentor sont bénéfiques à l'entreprise mentorée, au point où cela peut même assurer davantage sa réussite», poursuit-il. 

L'accompagnement personnalisé, que ce soit le mentorat ou le coaching, est très tendance, remarque aussi Jean Bibeau. «Mais le fait-on bien? Ça, c'est une autre histoire. Il y a des histoires d'horreur de mentor et d'incubé qui ne s'entendent pas.»

Vivent les échecs!

En Israël, un incubateur accepte des entrepreneurs à condition que ceux-ci aient déjà échoué à lancer une société.

«La culture de la transparence de l'échec est à la mode», constate Jean Bibeau, qui rappelle du même souffle qu'un entrepreneur subira en moyenne de 2,5 à 3 échecs avant de goûter au succès.

«Je reviens d'une formation à Silicon Valley où, dès le premier jour, tu parles de tes échecs», raconte M. Bibeau. Selon lui, cela contribue à démocratiser l'entrepreneuriat en déboulonnant le mythe de l'homme d'affaires milliardaire à qui tout réussit.

Des incubateurs d'«intrapreneurs»

On voit apparaître des incubateurs au sein d'organisations. La tendance est marquée dans des secteurs qui s'essoufflent, comme celui des médias traditionnels.

Le New York Times, la BBC et Canal + ont tour à tour mis sur pied leur incubateur où ils espèrent voir émerger des entreprises dérivées qui stimuleront leur propre modèle et plus largement le monde du journalisme et des médias numériques.

«Ce n'est pas nouveau, signale Jean Bibeau. Avant, on appelait ça des espaces de créativité. C'était le cas dans de grosses boîtes comme IBM.»

Le défi de la gouvernance

Environ 93% des incubateurs sont des organismes à but non lucratif, ce qui n'est pas sans difficulté pour ceux qui les dirigent. «Le gestionnaire d'un incubateur doit apprendre à naviguer dans des eaux chargées politiquement», signale Jean Bibeau.

Les sources de financement sont diverses: universités, sociétés de développement économique, ministères fédéraux et provinciaux, parfois des intérêts privés... Toutes ces parties prenantes ne s'entendent pas forcément sur la mission et les indicateurs de performance de l'incubateur.

«Il faut consacrer beaucoup de temps à la gouvernance et pour cela, les incubateurs doivent faire un examen de conscience régulièrement», rappelle Jean Bibeau.