Après des années moroses, les propriétaires de tours de bureaux du centre-ville de Montréal retrouvent le sourire. L'année 2016 s'est terminée sur une bonne note grâce à la création vigoureuse d'emplois, et 2017 s'annonce sous d'heureux auspices.

Après quatre années d'absorption négative, c'est-à-dire que les superficies de bureaux occupés d'une année à l'autre vont en diminuant, la tendance s'est finalement inversée en 2016.

Selon les agences immobilières, on parle d'une absorption variant de 200 000 à 500 000 pieds carrés, l'équivalent d'une tour de bureaux de taille intermédiaire comme le 2020, Robert-Bourassa. Rien de spectaculaire, mais une amélioration notable par rapport à 2015 quand la surface occupée avait diminué de 523 277 pieds carrés.

Au centre-ville, même si l'absorption a été négative sur l'ensemble de 2016, elle a été positive au quatrième trimestre, selon les données de l'agence CBRE. Le phénomène devrait se poursuivre en 2017, se croisent les doigts les courtiers à qui nous avons parlé.

« Quand on mentionne les emplois et l'économie, oui, on le ressent au centre-ville et ailleurs puisque l'économie et l'absorption vont de pair. C'est ce qui se passe actuellement », dit Pierre Lacroix, premier vice-président chez CBRE à Montréal.

« Le pire est derrière nous, renchérit Andrew Maravita, directeur général de l'agence Colliers à Montréal. Le cycle a entrepris sa phase ascendante, même s'il reste plus de 1,5 million de pieds carrés disponibles [dans le quartier des affaires]. » Une telle superficie équivaut à une fois et demie le 1000 De La Gauchetière.

LES GRANDS BLOCS DE BUREAUX CONTIGUS SE FONT PLUS RARES

Autre illustration de l'amélioration des conditions de location, les grands blocs de bureaux contigus de 50 000 pieds carrés et plus sur le marché sont en recul. Au coeur du centre-ville, ils sont passés de 14 à 9 en un an, selon CBRE.

« On est dans le marché avec certains locataires qui cherchent de grands blocs dans l'existant, dit Erik Langburt, courtier de l'équipe de Lloyd Cooper chez Cushman Wakefield. C'est difficile à trouver. À plus de 100 000 pieds carrés, il n'y a pas grand-chose : le 1981 McGill College [qui sera délaissé par la Banque Laurentienne], les locaux de Standard Life au 1245, rue Stanley et prochainement les étages d'Ernst & Young (EY) au 800, René-Lévesque. »

Le 16 janvier dernier, EY a annoncé son déménagement à la toute nouvelle Maison Manuvie, au 900, boulevard de Maisonneuve Ouest, à l'été 2018. Plus de 750 employés occuperont une superficie totale d'environ 86 000 pi2.

Première observation, EY suit l'exemple de son concurrent Deloitte, qui a quitté Place Ville Marie et va dans du neuf afin d'offrir à ses employés un environnement de travail au goût du jour, d'expliquer M. Langburt.

Seconde observation, EY occupe actuellement plus de 100 000 pieds carrés. Or, la firme en occupera seulement 86 000 à la Maison Manuvie pour un nombre comparable d'employés.

La densification est une tendance lourde qui pèse sur le marché et qui explique l'abondance des locaux inoccupés ces dernières années. De nombreux locataires traditionnels du centre-ville, des banques, des avocats et des comptables, par exemple, réduisent leur superficie sous bail, sans nécessairement licencier du personnel.

DE LA CONCURRENCE POUR LE CENTRE-VILLE

Jumelée à la concurrence des secteurs en périphérie, cette densification vient contrebalancer partiellement l'impact positif de la création d'emplois et explique pourquoi l'inoccupation au centre-ville, quoiqu'en baisse en rythme annuel, reste élevée, à 10,6 %.

Le marché demeure ainsi à l'avantage des locataires. Les loyers nets se maintiennent en moyenne sous les 20 $/pi2 par an. Les incitatifs restent généreux dans les propriétés frappées par une forte inoccupation.

La demande pour le bureau à Montréal demeure principalement locale, souligne M. Maravita, de Colliers, à l'exception notable du secteur des technologies. Les géants Google et Microsoft ont annoncé des investissements à Montréal, et d'autres annonces de sociétés américaines sont attendues en 2017, avance M. Langburt.

Mais, dans ce domaine, le centre-ville fait face à la concurrence des bureaux de type loft du Mile-End et du Mile-Ex, offerts à meilleur prix.

Autre écueil à l'horizon, le centre-ville pourrait subir une concurrence accrue de la part de la Rive-Sud si le train électrique de la Caisse de dépôt et placement arrive en gare, croit Andrew Maravita. « En permettant à la main-d'oeuvre d'accéder facilement à des pôles d'emplois en périphérie, ça va venir changer la dynamique dans le bureau », soutient-il. Déjà, le projet Solar de Devimco, situé à Brossard, prévoit la construction de bureaux.

Souhaitons que la création d'emplois se poursuive encore longtemps.