Le centre-ville de Montréal est mûr pour accueillir plusieurs chantiers de tours d'appartements locatifs, croit plus d'un observateur de la scène immobilière locale en dépit du fait que le niveau des loyers ne le justifie pas.

«Je pense qu'on va voir un projet d'importance dans le multilocatif d'ici 24 mois au centre-ville, dit Benoit Egan. Il y a des promoteurs qui regardent sérieusement la possibilité de faire un projet d'importance. Il y a certains projets qui pourraient lever sur certains sites stratégiques.» Pour construire du neuf, il faut pouvoir louer les nouvelles unités de 2,00 à 2,25$ le pied carré, dit l'évaluateur agréé. Pour un logement de 2 chambres de 800 pi2, ça se traduit par un loyer mensuel variant de 1600 à 2000$. «Certains sites se prêtent à ça», précise M. Egan.

Le promoteur Devimco construira une tour de 260 logements locatifs sur la rue Wellington, au coin de la rue Murray, a confirmé Éric Cimon, conseiller politique dans l'arrondissement du Sud-Ouest. Le projet de quelque 60 millions prévoit des locaux commerciaux au rez-de-chaussée.

«Au centre-ville, et dans Griffintown, il y a des sites à l'étude», renchérit Charles-André Latour, évaluateur agréé au Groupe Altus.

Hors centre-ville, l'intérêt se concentre près des stations de métro. Habitations Trigone lance une tour de 157 logements voisine du campus de Longueuil de l'Université de Sherbrooke.

Logements à l'île des Soeurs

Du locatif traditionnel, la société Canvar en bâtit actuellement à l'île des Soeurs. Un premier immeuble comptant une centaine de logements est terminé. Les loyers vont de 900 à 2050$ par mois, chauffage compris, selon le site internet du locateur. En tout, 7 immeubles sont prévus pour un total de 1000 logements locatifs.

Ces dernières années, Canvar a mis en location des lots d'environ 200 unités locatives à quelques reprises au centre-ville, dans le cadre d'un projet mixte ayant une portion hôtelière. C'est le cas au V, sur René-Lévesque, où l'on trouvera 245 appartements locatifs et des chambres d'hôtel.

Pour la qualité

Pourquoi les promoteurs se donnent-ils la peine de lancer du locatif neuf, si le niveau des loyers contrôlés par la Régie du logement ne permet pas de rentabiliser l'investissement?

D'aucuns croient qu'il y existe une demande pendante au centre-ville pour des logements locatifs de qualité, au goût du jour, bâtis dans des immeubles écoénergétiques, certifiés LEED par exemple. «Il y a de la place pour du locatif neuf au centre-ville, dit Mathieu Duguay, vice-président exécutif de la Société de gestion Cogir. Comme gestionnaire, on aimerait participer à de nouveaux projets.»

Qui plus est, des investisseurs d'envergure comme les caisses de retraite s'entichent maintenant pour ce genre de produits immobiliers, souligne M. Latour, d'Altus. Les institutionnels aiment leur faible profil de risque et la stabilité des flux de trésorerie qui est rattachée à ce genre d'actif.

Rappelons que quatre des plus gros ensembles multilocatifs de Montréal ont changé de mains depuis 18 mois.

La Caisse de dépôt a parti le bal en juillet 2011 en acquérant les 1004 logements du Rockhill, sur le chemin de la Côte-des-Neiges, pour 160 millions.

Un an plus tard, True North REIT, fiducie immobilière cotée en Bourse, payait 121 millions pour mettre le grappin sur 1528 logements, répartis dans les 127 immeubles de la communauté Norgate, à Saint-Laurent, près du métro Côte-Vertu.

Oxford, filiale immobilière de la Caisse de retraite des employés municipaux de l'Ontario (OMERS), a payé 232,5 millions en août 2012 pour les 1351 logements des 3 immeubles de La Cité, sur l'avenue du Parc.

Puis, en novembre 2012, CAP REIT, autre fiducie immobilière, a payé 176,5 millions pour les 980 logements du Village olympique.

Les quatre propriétés ont un point en commun: elles ont toutes plus de 30 ans d'âge, ayant été bâties en 1976 ou avant.