L'activisme des actionnaires d'entreprises cotées en Bourse fait maintenant partie du paysage. Dénote-t-il des besoins de réformes majeures ? Va-t-il amener des changements de comportement chez l'élite des sociétés ? Survol des principaux enjeux en gouvernance d'entreprise.

Droit de vote multiple

Enjeu très médiatisé récemment avec la sortie du PDG de Couche-Tard, Alain Bouchard, il porte sur le fait que certaines entreprises, surtout familiales, demeurent sous le contrôle de leurs fondateurs bien que ceux-ci ne possèdent pas 50 % du capital de l'entreprise. « Elles ont l'avantage de mieux pouvoir se défendre contre une prise de contrôle non sollicitée, car ces fondateurs ont généralement une vision et un engagement à long terme », dit Jean Bédard, titulaire de la chaire de recherche en gouvernance de sociétés de l'Université Laval. Toutefois, le risque est que les nominations ne se fassent pas en fonction de la compétence, mais plutôt en fonction de la proximité des candidats. L'enjeu est d'assurer que les administrateurs soient aptes à protéger les intérêts des actionnaires minoritaires.

Rémunération des cadres

La rémunération des principaux dirigeants d'entreprise fait souvent la une des médias. Toutefois, l'enjeu ne porte pas nécessairement sur les sommes versées, mais plutôt sur la base sur laquelle cette rémunération est établie, croit Michel Nadeau, directeur général de l'Institut sur la gouvernance d'organisations privées et publiques (IGOPP). Et le danger est que, trop souvent, la rémunération est fonction de l'atteinte d'objectifs à court terme, selon lui. « On incite ainsi les cadres à prendre des décisions avec une vue à court terme, ce qui risque de les amener à négliger les intérêts à plus long terme de l'entreprise », dit-il.

Rémunération des administrateurs

Il n'est pas facile de dire si les administrateurs sont en général trop ou pas assez payés. La question se résume souvent à du cas par cas. Chose certaine, il faut payer pour la compétence et on en demande beaucoup aux administrateurs, explique Jean Bédard. La formation des administrateurs est depuis longtemps un enjeu majeur de la gouvernance. « Règle générale, les administrateurs sont maintenant mieux formés, plus au courant du rôle qu'ils doivent jouer, et ils comprennent mieux leurs responsabilités », dit-il.

Répartition hommes-femmes

Il s'agit en fait d'un enjeu de société, reconnaît Jean Bédard. Les femmes représentent plus de la moitié de la population en général et des diplômés dans les facultés d'administration. Pourtant, au sein des conseils d'administration et chez les hauts dirigeants d'entreprise, leur présence demeure marginale. À la Bourse de Toronto, 25 % des sociétés inscrites à la cote n'ont aucune femme siégeant à leur conseil d'administration. Et c'est encore pire à la Bourse de croissance, où ce pourcentage grimpe jusqu'à 70 %. Depuis le 31 décembre 2014, les entreprises doivent fournir une information plus étoffée de la représentation des femmes au sein de leur C.A. et de leur haute direction.

PME et gouvernance

Les PME ne doivent pas échapper aux règles de gouvernance, mais celles-ci ne seraient-elles pas trop lourdes ? C'est ce que croit Michel Nadeau. « On demande la même chose aux PME qu'aux grandes entreprises. Il faudrait alléger le fardeau de la gouvernance pour les petits », dit-il. La fréquente proximité entre le PDG et le C.A. chez les PME constitue également un enjeu, mentionne Jean Bédard. « Des études démontrent que le PDG est souvent très important dans la nomination des administrateurs », dit-il. Il importe alors que le comité de rémunération soit indépendant, selon lui.

L'activisme

Les actionnaires ont-ils suffisamment d'impact sur la prise de décisions ? Devraient-ils en avoir plus ? Par exemple, devrait-on les consulter par voie de référendum ? L'entrée en scène de grands investisseurs tels les fonds spéculatifs a du bon et du moins bon, explique Jean Bédard. « Les activistes visent généralement les entreprises qui n'ont pas une très bonne performance, des entreprises qui méritent d'être brassées », dit-il. Toutefois, leurs façons d'agir peuvent être néfastes à l'entreprise. « Souvent, ils agissent en fonction d'objectifs à court terme et vont endetter lourdement l'entreprise », ajoute-t-il.