Le 25 janvier dernier, les employées et la directrice générale de la Fondation pour la santé du nord de Lanaudière, Caroline Martel, ont enfin pu pousser un soupir de soulagement. Deux ans après la découverte des faits, Mélissa Marcil, une jeune femme de 36 ans, a été déclarée coupable d'une fraude de 123 000 $ à l'endroit de l'organisation. Une histoire qui malheureusement est loin d'être un cas unique.

LES FRAUDES GAGNENT DU TERRAIN

Tous les deux ans, PwC sonde des entreprises un peu partout dans le monde, dont 200 au Canada. Les résultats de ce 19e sondage n'ont rien de réjouissant. 

« Les crimes économiques gagnent du terrain. Pendant ce temps, la détection en perd. » - Marie-Chantal Dréau, associée et leader des services de juricomptabilité au Québec pour PwC.

Selon le Global Economic Crime Survey, plus de 37 % des organisations canadiennes ont été victimes de crimes économiques au cours des 24 derniers mois. Le crime le plus courant est encore le détournement d'actifs avec 62 % des cas de fraude, une augmentation de 6 % par rapport à 2014. « Cela inclut le vol à l'étalage, le vol d'inventaire ou d'équipement, le détournement de fonds, etc. C'est la fraude la plus facile à détecter, donc sa prévalence n'a rien d'étonnant », explique Marie-Chantal Dréau.

PwC a constaté que 48 % des organisations sondées avaient déclaré des pertes de moins de 100 000 $, 41 % des pertes de 100 000 $ à 5 millions et 9 % ne pouvaient pas quantifier leurs pertes. « Cela laisse entrevoir des lacunes importantes dans les cadres de contrôle de ces organisations », allègue PwC.

LE VISAGE DE LA FRAUDE

« Elle s'était positionnée comme une employée indispensable, travaillante, solide et sûre d'elle. Elle était un bon élément pour notre organisation. Nous n'avons rien vu venir et pourtant, elle était à cinq mètres de nous et nous volait », se souvient Caroline Martel.

Ce cas est typique, selon Ghislaine Labelle, auteure et psychologue organisationnelle CRHA.

« Les fraudeurs sont des gens charmeurs, manipulateurs, attentionnés, beaux parleurs et bons employés. Les autres employés n'y voient souvent que du feu parce qu'ils n'ont pas l'esprit croche et ne s'imaginent pas que leur collègue peut être un voleur », laisse entendre Mme Labelle.

Marie-Chantal Dréau dresse pour sa part un portrait statistique des fraudeurs. « Ce sont dans 79 % des cas des hommes dont 66 % ont entre 31 et 50 ans. Dans une proportion de 56 %, ils comptent entre 3 et 10 ans d'ancienneté. Environ la moitié sont des cadres intermédiaires et supérieurs tandis que 32 % sont des subalternes. Ils fraudent parce qu'ils ont atteint un niveau de frustration élevé. Leur expérience fait en sorte qu'ils connaissent les rouages de l'entreprise. »

APRÈS LA TRAHISON

Au-delà des pertes financières, les dommages indirects sont difficiles à chiffrer, mais leur incidence est réelle. Selon PwC, la fraude en entreprise toucherait 41 % des employés.

« Quand une fraude survient et qu'on découvre le fautif, on oublie souvent ceux qui restent. Il y a d'abord un sentiment de trahison. C'est un deuil à vivre. Les gens peuvent aussi se questionner, douter d'eux-mêmes et de leur travail. C'est un cercle vicieux qui s'enclenche et qui peut pourrir un climat de travail. Il faut impliquer les employés dans le processus de solutions et ne pas les laisser vivre cela seul, et cette démarche peut être longue », dit Francine Sabourin, directrice, développement de la profession de l'Ordre des conseillers en ressources humaines (CRHA).

Caroline Martel a vécu cette dynamique, elle a dû rebâtir les ponts avec son équipe. « C'est facile de dire "j'aurais dû", mais cela ne donne rien. Après avoir découvert la fraude, je suis devenue suspicieuse. Il a fallu que je retrouve mon équilibre. Ensemble, on a dû reconstruire des liens de confiance, mais humainement, ça a laissé des traces », témoigne la directrice générale de la Fondation de la santé du nord de Lanaudière.