Chèques falsifiés par des organisations internationales. Fonds détournés par des spécialistes du monde de la finance. Fraudes à l'interne par des employés et des cadres de haut niveau. Besoin d'un super enquêteur pour y voir clair ?

Louis Laframboise dirige une équipe d'enquêteurs aguerris chez Garda, où il est vice-président, Enquêtes et services-conseils. Il en voit de toutes les couleurs dans l'exercice de ses fonctions. Il a appris à reconnaître les fraudeurs et leur façon d'opérer.

L'ex-enquêteur à la GRC a travaillé à titre d'expert-conseil, il y a quatre ans, sur une histoire invraisemblable. Une organisation bien rodée avait réussi à infiltrer une grande entreprise, à Montréal, en faisant embaucher un « employé temporaire » au service de la comptabilité.

C'est ainsi qu'un chèque de 200 $ a été volé, puis copié, avant d'être encaissé dans une banque, à Toronto. Le destinataire est devenu Johnny Walker. Du nom du célèbre scotch ! Le chèque original a été «retiré de la circulation» par les fraudeurs, qui l'ont maquillé avant de soutirer un gain substantiel.

« Il ne s'agit pas d'un cas isolé, constate Louis Laframboise. Des réseaux de criminels s'infiltrent dans les grandes entreprises pour voler des chèques, dont ils font des copies identiques, et qui seront encaissés avant qu'on réalise qu'il s'agit de documents falsifiés ».

Dossiers délicats, clientèles discrètes

Ces histoires spectaculaires de fraudes ne font pas la manchette. Les entreprises flouées qui font appel aux services des agences privées exigent la plus grande discrétion. « Nous traitons des dossiers souvent très délicats, fait-il valoir. Dans 98 % des cas, tout se fait dans la confidentialité, à la demande de nos clients corporatifs ».

Sur le terrain, Louis Laframboise constate toutefois que les entreprises victimes de fraudes mettent parfois plusieurs années avant de faire intervenir des équipes d'enquêtes spécialisées. « C'est comme si elles espéraient que tout rentre dans l'ordre sans avoir à faire quoi que ce soit, note-t-il. Mais ces hésitations causent des dommages considérables. Quand une entreprise est la cible de fraudeurs, à l'interne ou par des réseaux, ça fait mal !»

Limiter les dégâts

Pour sa part, Marc-André Aubé, chef de l'exploitation, Solutions sécurité, chez Garda, croit néanmoins possible de limiter les dégâts, dans la mesure où les patrons d'entreprises optent pour la prévention. Il fait valoir que la prévention, ça débute dès le processus d'embauche d'un employé.

Mais puisque l'occasion fait le larron, il faut éviter de placer les employés dans des situations ou ils seront tentés de voler ou de frauder. « Par exemple, précise-t-il, il ne faut pas confier au même employé à la fois la tâche de faire les achats et de s'occuper de la réception de la marchandise. Les employés aux achats et à la réception sont parmi les plus exposés aux dangers de la fraude. Ils doivent être les employés les plus honnêtes. Il peut être tentant de voir arriver un camion rempli d'ordinateurs».

Pour réduire les fraudes, Marc-André Aubé maintient que l'exemple doit venir de haut et qu'il appartient aux dirigeants d'entreprises de montrer le chemin à emprunter. Il reconnaît toutefois que la fraude ne peut être enrayée seulement en envoyant des détectives sur le plancher. « C'est à la source qu'il faut agir, plaide-t-il. Une vérification pré-emploi permettant d'authentifier la déclaration d'un candidat à l'embauche coûte aussi peu que 42 $, tandis qu'embaucher un employé peut coûter jusqu'à 10 000 $», fait valoir le chef de l'exploitation, qui gère une équipe de plus de 20 000 spécialistes de la sécurité à travers le pays.