En 2010, la fraude en milieu de travail a coûté pas moins de 3,2 milliards de dollars aux petites et moyennes entreprises canadiennes. Environ le quart en aurait été victime, indique un rapport de l'Association des comptables généraux accrédités du Canada publié en décembre.

Et la situation économique pourrait bien accroître le problème. «Il est pratiquement certain que le risque de fraude en milieu de travail augmentera en période de ralentissement économique alors que davantage de salariés se trouvent dans une situation financière difficile», explique Rock Lefebvre, vice-président de l'organisme. Néanmoins, selon un sondage réalisé par l'association, 74% des PME croient que leur exposition au risque de fraude est faible et 80% ne sont pas préparées à y répondre.

Peur de dénoncer

Les employés devraient-ils dénoncer une fraude dont ils sont témoins? «Premièrement, il faut se demander si c'est une faute grave. Est-ce que la santé des collègues ou la viabilité de l'entreprise est mise en péril ou est-ce que c'est quelqu'un qui prend des Post-it dans la papeterie? Il faut aussi se demander si on peut prendre d'autres moyens, par exemple aller parler à son collègue», indique Andréa Gill, titulaire d'une maîtrise en administration des affaires et conseillère en ressources humaines agréée.

La mise en place par l'entreprise de mécanismes de dénonciation peut contribuer à diminuer le risque. «La personne qui constate qu'il y a fraude devrait la dénoncer, mais il faut certaines conditions pour ne pas être victime de représailles par la suite. Il faut que l'organisation favorise le fait que l'on puisse dénoncer, que ce soit vu comme étant anonyme et que l'on puisse protéger l'individu, indique Luc Brunet, professeur en psychologie du travail et des organisations à l'Université de Montréal. Si ces mécanismes-là ne sont pas en place, la personne sera réticente. Ça devient alors une question d'éthique personnelle.»

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La mise en place d'une «ligne éthique» à laquelle peuvent recourir les employés pour poser des questions et dénoncer des situations problématiques peut être un bon moyen de prévention. Cette solution a l'avantage de préserver l'anonymat. «Il faut toutefois s'assurer que ça ne devienne pas un outil de harcèlement et qu'on ne crée pas un climat de peur et de méfiance», nuance Mme Gill. De plus, c'est rarement envisageable dans les plus petites organisations.

Souvent d'ailleurs, la situation est particulièrement délicate dans une petite équipe où l'anonymat peut difficilement être préservé. D'où l'importance pour les entreprises d'avoir un code d'éthique dans lequel ses valeurs sont clairement énoncées. «Ça ne coûte rien. Elles le font déjà, d'une certaine façon, quand elles présentent les objectifs de l'organisation. Il suffit d'ajouter un code d'éthique précis. Ça donne une idée de ce que l'organisation est prête à accepter ou non.» L'entreprise peut aussi offrir des formations.

«L'éthique est un sujet en vogue actuellement et les entreprises mettent toutes sortes de moyens en place. Mais il faut faire attention, afin que ces mécanismes ne remettent pas à l'employé la responsabilité de la gestion éthique dans la société. C'est d'abord et avant tout la responsabilité de l'employeur», rappelle Mme Gill.

Préserver le moral des troupes

Si certaines fraudes en milieu de travail peuvent mettre en péril la survie de l'entreprise, le sondage révèle que c'est rarement le cas. En fait, plus de 80% des répondants ont signalé des pertes de 5000$ ou moins. Les fraudes les plus fréquentes sont le détournement de stock ou d'actifs, puis les détournements de fonds.

Mais là où le bât blesse, c'est le moral des employés. En effet, 61% des sociétés victimes de fraude considèrent qu'il y a eu des répercussions négatives à ce propos.

«Il faut que ce soit dénoncé, sinon on remarque que ça attaque le moral des gens qui sont témoins et ça se reflète sur le climat de travail, dit M. Brunet. Mais surtout, ça donne l'impression que c'est permis. Il y a un effet d'entraînement.»

Le quart des entreprises victimes de fraudes jugent également que cela a eu des répercussions défavorables sur leurs relations d'affaires et la réputation de leur organisation.