À première vue, la franchise se porte bien au Québec. Le chiffre d'affaires annuel est en hausse et a atteint près de 27 milliards en 2013. Un nombre croissant d'enseignes appartiennent à des intérêts québécois. Mais le monde de la franchise, actuellement en consolidation, demeure fragile. Et il faudra redoubler d'efforts afin de consolider ce secteur de l'économie, qui représente désormais 8% du produit intérieur brut de la province.

Pierre Garceau, PDG du Conseil québécois de la franchise (CQF) et fondateur de l'Académie de la franchise, se félicite de la bonne santé des quelque 400 franchiseurs sur le territoire québécois. Mais il s'inquiète de plus en plus de ce qui guette les nouveaux acteurs du milieu.

«Des gens, dont l'entreprise existe depuis à peine trois mois, nous appellent au CQF parce qu'ils veulent devenir franchiseurs, déplore-t-il. Trop d'entrepreneurs posent sur la franchise un regard superficiel. Ils ont l'impression qu'une franchise, c'est un McDonald's qui fonctionne tout seul.»

La situation qui prévaut actuellement en France est ce qui a mis la puce à l'oreille de Pierre Garceau. Selon une étude de l'Université de Rennes, 70% des nouveaux réseaux de franchises dans l'Hexagone ne survivent pas plus de cinq ans. «Et parmi les 1700 franchiseurs en France, ajoute-t-il, agacé, près de la moitié n'ont même pas de manuel d'exploitation. C'est pourtant la base du concept de la franchise.»

Actif dans le monde de la franchise depuis 40 ans, l'avocat Jean H. Gagnon dit avoir récemment remarqué le retour des franchiseurs improvisés. «On n'avait pas vu ça depuis les années 90, dit-il. En 2000, il y a eu une professionnalisation du franchisage. Depuis un an, on voit poindre un nombre important de néophytes, de gens qui croient avoir trouvé l'idée du siècle et qui veulent aller trop vite.»

Pour l'heure, il n'y a pas de quoi s'énerver, explique Jean H. Gagnon. Mais pour cet auteur de 19 livres, dont 10 sur le franchisage, il faut se méfier des franchiseurs dont l'existence est trop récente. «Un franchiseur doit avoir les reins solides, dit-il. Son concept doit être connu, éprouvé.»

Consolidation

La fragilité de notre économie, couplée à la concurrence féroce des multinationales, est à l'origine d'un mouvement de consolidation dans le secteur de la franchise au Québec, soutient Pierre Garceau. «Quand il y a de la pression sur l'économie, il y a de la consolidation, croit-il. Sans les nommer, il y a certains franchiseurs au Québec qui sont un peu plus fragiles et qui pourraient faire l'objet d'une acquisition en 2015.»

Le franchiseur québécois MTY en a grandement profité en 2013 et en 2014. Au cours des 24 derniers mois, le groupe inscrit à la Bourse de Toronto a notamment fait l'acquisition de Café Bistro Van Houtte, Café Dépôt, Muffin Plus, Thaï Zone et autres Extrême Pita.

«Nous travaillons sur plusieurs dossiers en même temps, que ce soit au Québec, au Canada et aux États-Unis, confirme Éric Lefebvre, chef de la direction financière chez MTY. Nos acquisitions ne sont pas géographiques, mais plutôt stratégiques. Évidemment, nous souhaitons augmenter notre présence aux États-Unis, où nous exploitons 90 restaurants avec trois enseignes. Mais nous allons être très prudents. Pas question de faire du copier-coller avec notre modèle canadien. On ne veut pas mettre en péril ce que MTY a mis 35 ans à construire.»

Avec une capitalisation boursière d'environ 600 millions et des ventes réseau de 1 milliard, MTY est le plus important franchiseur québécois, avec plus de 35 enseignes qui font travailler près de 25 000 employés dans quelque 2800 points de vente au Canada et aux États-Unis.

L'avocat Jean H. Gagnon, qui travaille avec près de 100 franchiseurs et franchisés annuellement, est du même avis. À part MTY, qui est actif du côté des acquisitions, la plupart des franchiseurs bien établis au Québec cherchent surtout à consolider leurs assises. «Tout le monde est bien sûr à l'affût des opportunités d'achat, dit-il, mais les franchiseurs investissent plutôt en ce moment dans les nouvelles technologies, dans l'amélioration de leurs processus. Ils veulent garder leur clientèle.»

EN CHIFFRES

4,7%

Part des emplois liés au monde de la franchise au Québec

187 881

Nombre de travailleurs québécois en janvier 2014, contre 170 686 personnes en 2012. Cela représente une croissance de 10,07% sur 24 moins.

26,8

Chiffre d'affaires en milliards généré en 2014, contre 23,7 milliards en 2012.

390

Nombre de franchiseurs au Québec en 2013, soit une hausse de 84 nouvelles enseignes. L'augmentation nette est toutefois de 75, car 9 bannières ont disparu du paysage québécois cette même année.

12 703

Nombre de commerces, de points de vente ou de points de service associés à l'univers de la franchise au Québec à la fin de 2013.

Source: Conseil québécois de la franchise, 2012-2014