Elle a hésité à accepter l'entrevue. Discrète, Renée Brousseau ne voulait pas être distinguée ni placée sous les projecteurs. Son fils l'a convaincue: il faut que tu le fasses!

Son histoire commence au moment où son emploi s'achève: en novembre 2012, à l'âge de 53 ans, Renée Brousseau apprend que son poste disparaîtra dans les restructurations du Groupe Pages jaunes. Elle y travaillait depuis l'âge de 17 ans, et comptait alors plus de 35 ans de service. «Je travaillais dans les chiffres, je m'occupais de la commission des vendeurs et de facturer les clients», décrit-elle.

Son service est transféré à Vancouver. «Plusieurs postes ont été supprimés et dans les choix qui restaient, il n'y avait rien qui touchait les chiffres.»

Elle accepte plutôt l'offre de mise à la retraite. «Je savais que ça me permettrait de retourner à l'école.» Ce n'était pas la première fois. À 40 ans, elle avait appris l'anglais. À 51 ans, elle avait réussi le test d'équivalence de niveau de scolarité pour la 5e secondaire.

«Mon idée n'était pas d'arrêter de travailler, pas avant 65 ans.» Après réflexion, elle s'est inscrite en mars 2013 au cours de comptabilité à l'École des métiers de l'informatique du commerce et de l'administration (EMICA) de la CSDM, une de ses neuf écoles de formation professionnelle.

Son emploi a pris fin le 18 juillet 2013. Le mois suivant, elle commençait ses cours, cinq jours par semaine de 8h à 15h30 - «sauf le mercredi après-midi, si on n'avait pas de problèmes dans certains cours!»

La formation en 12 mois comprend 1350 heures réparties en 23 modules, à raison de 3 menés simultanément. «Dès que l'un est fini, le lendemain c'est l'autre qui commence. Il faut quelqu'un qui veut.»

Sur les 22 personnes qui composaient son groupe, seule une poignée n'a pas tenu le coup.

«Même les jeunes ont persévéré, j'ai été très surprise. Ils avaient peut-être moins le nez dans les livres parce qu'ils sont nés avec un ordinateur dans les mains, mais moi, ce n'était pas du tout mon cas.»

Elle était la plus âgée, la seule dans la cinquantaine. «J'avais une petite longueur de retard sur les jeunes pour les logiciels et je voulais suivre la cadence.»

Au premier cours, elle s'est assise entre deux jeunes: «Bon, vous allez être mes amis? Moi, je vais vous aider en français, en anglais, puis dans les chiffres.»

L'échange a été profitable. Elle a appris tous les outils courants: Word, Excel, PowerPoint. «Je ne suis pas rendue une experte, dit-elle modestement, mais je les ai bien apprivoisés.»

Efforts récompensés

«J'ai travaillé très dur. Je voulais réussir à plein. J'étais tous les soirs là-dedans et une bonne partie des fins de semaine. Mon chum pourrait le confirmer.»

On la croit sur parole.

En juin dernier, la direction de l'école l'a fait demander. «J'étais bien surprise parce que je n'arrivais jamais en retard ni rien.» Elle apprend qu'on lui remet le prix Murphy-Conte, doté d'une bourse de 300$, pour son assiduité et ses résultats scolaires exemplaires.

Aucune note n'est révélée. Un module est réussi ou échoué. «Il faut 80% minimum pour passer, indique-t-elle. Mais ils m'ont dit que c'était très près de la perfection.»

Renée Brousseau a complété son cours de comptabilité le 11 juillet dernier.

«Je suis un peu nerveuse pour lundi prochain [11 août]», confie-t-elle. Elle entreprend un stage d'un mois dans un organisme gouvernemental. «Ça va être la première fois que je vais aller travailler dans un autre endroit que les Pages jaunes.»

Elle a 55 ans et une carrière devant elle.