Comment conserver les connaissances des futurs retraités au sein des entreprises aérospatiales?

Dès la semaine prochaine, quatre étudiants de HEC Montréal iront à la rencontre d'employés de l'industrie pour tenter de répondre à cette question.

Ils lanceront ainsi la première étape du projet Héritage, destiné à cartographier et à améliorer les meilleures pratiques en matière de transfert intergénérationnel des connaissances critiques.

L'enjeu est de taille pour l'aérospatiale montréalaise puisque 30% de sa main-d'oeuvre est appelée à partir à la retraite au cours des 15 prochaines années, rappelle Suzanne Benoit, PDG d'Aéro Montréal, grappe aéronautique montréalaise.

Or, ces départs risquent de se traduire par d'importantes pertes de connaissances, si ces employés expérimentés quittent leur emploi sans transmettre leurs expertises clés.

«Quand les employés partent à la retraite, leur savoir n'est pas documenté, ou peu», observe Marco Beaulieu, chef de pratique, gestion des connaissances Ingénierie, chez Bombardier Aéronautique.

À l'interne, le constructeur aéronautique compte sur le projet Héritage pour conserver les enseignements acquis au fil des années par ses employés appelés à prendre leur retraite.

«Il est difficile d'évaluer le coût des pertes d'expérience, mais nous savons que des connaissances plus fluides permettraient d'être plus efficaces, explique M. Beaulieu. Par exemple, on pourrait s'assurer de ne pas faire les mêmes erreurs que par le passé.»

Un enjeu de taille pour les PME

Bombardier mise aussi sur le projet Héritage pour venir en aide à ses fournisseurs. «Nous voulons éviter d'avoir des partenaires qui souffrent d'amnésie d'entreprise, illustre Marco Beaulieu. Quand un employé compte 25 ans de service dans une PME, il occupe souvent cinq ou six fonctions, ce qui rend le transfert de connaissances encore plus important», dit-il.

Lancé à l'initiative d'Aéro Montréal et de Bombardier Aéronautique, le projet Héritage s'apprête à dresser une cartographie des meilleures pratiques de rétention de ces savoirs critiques.

Aéro Montréal a confié le travail de cartographie au groupe Mosaic, plateforme de HEC Montréal spécialisée dans la recherche-transfert sur le management de la création dans la société de l'innovation.

Laurent Simon et Patrick Cohendet, codirecteurs de Mosaic, ont mandaté quatre étudiants de HEC (Alice Niyizurugero, Sébastien Carton, Kevin Valdelièvre et Nebojsa Radojevic) qui se rendront, à partir du 27 février, dans des entreprises aérospatiales en vue de réaliser un premier travail d'établissement des enjeux.

Outre Bombardier Aéronautique, le constructeur de trains d'atterrissage Héroux-Devtek et trois PME représentatives se prêteront ainsi au travail de cartographie des connaissances critiques.

Le spécialiste de l'impartition de personnel JMJ-Aéronautique jouera le rôle d'interface avec les PME aérospatiales. «Pour ces entreprises, il est essentiel de capturer les meilleures pratiques et de savoir comment les faire évoluer, souligne Marie-Chantal Chassé, PDG de JMJ-Aéronautique. Cela aura un effet positif sur leur productivité», assure-t-elle.

Par la suite, des entrevues seront réalisées avec les «informants», c'est-à-dire les employés détenant des connaissances critiques et appelés à les transmettre. D'autres ateliers, tels que des groupes de discussion, seront mis en oeuvre.

Au fur et à mesure des travaux, Mosaic communiquera ses résultats aux entreprises afin de leur permettre de mettre en place rapidement des processus améliorés de transfert des connaissances.

À leur tour, les entreprises partageront leur expérience pour faire progresser la recherche menée par Mosaic.

«L'intérêt de la démarche réside dans la recherche-action, soutient Laurent Simon. Les entreprises n'attendront pas le rapport final pour commencer à expérimenter sur le terrain.»

Les conclusions du projet Héritage sont attendues pour le début de l'année 2015. «C'est important qu'il y ait un rapport final, mais c'est presque encore plus important qu'il y ait un processus de mise en oeuvre dans les entreprises», ajoute-t-il.

Pour enrichir ces enseignements, Mosaic puisera également dans les expériences de transfert intergénérationnel recueillies auprès de son réseau international de partenaires industriels, gouvernementaux et universitaires.

À l'issue du projet Héritage, une boîte à outils des meilleures pratiques de transfert intergénérationnel devrait être livrée au chantier Relève et main-d'oeuvre d'Aéro Montréal, «qui le diffusera dans l'industrie», précise Suzanne Benoit.

Toutes les entreprises aérospatiales sauront alors quels outils et quelles démarches elles devront adopter pour relever ce défi. «Et cela pourrait servir à d'autres secteurs d'activité», suggère Marco Beaulieu.