Des étudiants vont dans des entreprises travailler avec les professionnels pour construire des avions et des hélicoptères. D'autres participent à des concours de conception. Plusieurs de ces activités ne leur valent aucun crédit, mais elles sont fortement encouragées, voire imposées, par les universités. Nous voici dans l'autre pédagogie de l'aérospatiale, celle qui se dispense à l'extérieur des classes et des labos.

C'est ainsi que Pascal Chiva-Bernard, 23 ans, construit un drone hélicoptère dans le but de participer à une compétition internationale qui se tiendra en août prochain. Étudiant à la maîtrise, il fait partie du club AÉROETS de l'École de technologie supérieure. «Dans le club, nous sommes 26 étudiants spécialisés dans différents secteurs de l'ingénierie, dit-il. Il le faut parce que la compétition, ce ne sera pas de la tarte.»

Imaginez: faire voler un drone hélico de 71 cm d'envergure autour d'un édifice, lui faire repérer une ouverture et le diriger dans l'immeuble pour inspecter les bureaux «ennemis» afin de trouver une clé USB particulière. Tout ça en se défendant contre les systèmes de repérage dans le bâtiment.

Le drone, mis au point par l'équipe de Pascal, n'est pas téléguidé. Comme les véritables drones, il est plutôt préprogrammé pour accomplir les tâches d'une manière totalement autonome. Devant pareilles exigences, Q, spécialiste des gadgets de James Bond, serait certainement estomaqué.

«Génies mécanique, informatique, électronique, problèmes de capteurs, de logiciels, on ne peut rêver meilleur apprentissage du travail multidisciplinaire, estime Hany Moustapha, directeur d'AÉROETS. Nos étudiants accomplissent beaucoup de choses dans ces clubs. Ils apprennent à planifier des tâches complexes, à se répartir efficacement le travail et à interagir de façon constructive. Aucun cours ne peut enseigner cela.»

Projets de conception

Polytechnique Montréal a aussi des clubs. L'un d'entre eux fabrique des fusées. Mais on a aussi une façon intéressante de mettre les étudiants dans le bain.

Il y a trois projets de conception d'aéronefs: concevoir un appareil au complet, faire le fuselage arrière et mettre au point un système de compression d'un moteur d'avion. Chaque groupe comprend de 5 à 24 étudiants.

Un quatrième projet pourrait bientôt s'ajouter, car Polytechnique travaille avec CAE Électronique pour mettre sur pied un programme de conception de simulateurs de vol.

«Chaque projet de conception est défini par trois ou quatre professionnels de l'industrie et par nos professeurs, explique Aouni Lakis, professeur titulaire à Polytechnique. L'industrie nous transmet des problèmes réels qu'elle cherche à régler et nos équipes tentent de trouver des solutions. Pour les étudiants, c'est une façon de travailler sur des projets concrets et de s'insérer dans un groupe.»

Les stages en entreprise jouent aussi un rôle capital dans la formation. Ils sont soit crédités entièrement, comme à AÉROETS, soit seulement à la maîtrise, comme à l'Institut de génie aérospatial de McGill.

«Il est vrai que nos stages, au baccalauréat, ne donnent aucun crédit, reconnaît Pascal Hubert, directeur associé de l'Institut. Mais, s'ils ne sont pas utiles dans le CV scolaire de l'étudiant, ils sont extrêmement utiles dans le CV professionnel.»

Le stage en génie aérospatial, c'est l'antichambre du premier emploi. «C'est l'entreprise qui choisit les stagiaires, après concours et entrevues, confirme Hany Moustapha. C'est pratiquement du prérecrutement. Savez-vous que 90% des ingénieurs embauchés par Pratt&Whitney Montréal sont d'anciens stagiaires?»

AÉROETS prend tellement les stages au sérieux que c'est la seule école d'ingénierie où les trois stages de baccalauréat sont non seulement obligatoires, mais aussi évalués et crédités. Preuve qu'on n'apprend pas que sur les bancs de l'école.