Les fonds communs connaissent une bonne croissance et l'excellente performance des marchés financiers au cours des dernières années n'est sûrement pas étrangère à ce phénomène. En sera-t-il de même en 2015? La Pressea posé la question à trois stratèges. Voici ce qu'ils prévoient.

Clément Gignac, Industrielle Alliance

Nous entrons dans la phase de normalisation de la politique monétaire, ce qui signifie que les taux d'intérêt augmenteront et que cela aura un effet autant sur les actions que sur les obligations, estime le stratège d'Industrielle Alliance.

Clément Gignac croit que la Bourse américaine fournira aux investisseurs un rendement positif de l'ordre de 5 à 7%, en incluant les dividendes. Quant à la Bourse canadienne, elle est un peu moins invitante pour l'investisseur canadien, surtout à cause des perspectives du huard.

Le spécialiste pense que le dollar canadien pourrait tomber jusqu'à 84 ou 85 cents US. Si cela devait se produire, l'investisseur canadien réalisera un meilleur rendement sur ses titres américains simplement en raison du jeu de la devise.

Sur la base du rendement en fonction du risque, le marché américain est sans doute le plus attrayant, selon lui. L'Europe demeure aux prises avec une relance économique difficile qui pourrait nécessiter une dévaluation importante de l'euro. Le marché américain offre la meilleure diversification, une bonne visibilité sur les profits et une économie plus solide.

Quant aux obligations, le début de la hausse des taux d'intérêt risque d'annihiler totalement le rendement, car les prix des obligations chuteront, ce qui se traduira par une perte en capital pour les détenteurs d'obligations.

Comme les actions ont beaucoup augmenté depuis cinq ans, Clément Gignac sera plus prudent en 2015. Il prévoit demeurer surpondéré en actions, mais moins qu'il ne l'était en 2014. De 15% cette année, cette surpondération se limitera à 7 ou 8% pour entamer l'année 2015. Mais il prévoit racheter des actions au cours des périodes de faiblesse.

Jean-René Adam, Hexavest

«Ce que nous ferons en 2015 dépendra de comment se terminera l'année», explique le cochef des placements d'Hexavest.

Pour que le marché boursier redevienne attrayant, il faut une correction de 15%, selon lui. Les marchés ont chuté la semaine dernière. Il faudra voir si la glissade se poursuivra. Car tant qu'elle ne sera pas complétée, Jean-René Adam demeure négatif sur les perspectives boursières en 2015.

Cette réserve envers le marché boursier ne provient pas de l'évolution de l'économie américaine. Au contraire, il y voit beaucoup de signes positifs, tels la reprise du marché immobilier, la croissance du crédit et du secteur manufacturier. S'il est moins positif, c'est que les évaluations sont trop élevées, estime-t-il. À plus de 16 fois les bénéfices, l'évaluation du S&P 500 est trop chère à court terme, selon lui.

Depuis 2009, les entreprises ont profité grandement de la reprise. Les bénéfices ont été au rendez-vous, et la performance de la Bourse a été extraordinaire. Mais chez Hexavest, on craint maintenant que les marges bénéficiaires commencent à se contracter.

C'est l'approche à contre-courant qui amène Jean-René Adam à penser que la Bourse va reculer de 15%. Les investisseurs sont devenus très positifs quant aux perspectives boursières et on observe chez eux une grande complaisance, estime-t-il. «Ce contexte mène généralement à des corrections importantes», dit-il.

Par la suite, tout dépendra de la confiance des consommateurs. Comment auront-ils été ébranlés par la correction? Retrouveront-ils rapidement leurs habitudes d'investisseurs?

PHOTO MARTIN CHAMBERLAND, LA PRESSE

Jean-René Adam, cochef des placements d'Hexavest

Viet Buu, CTI Capital

Ce sont sensiblement les mêmes thèmes qu'au cours des deux années précédentes, dont surtout la normalisation de la politique monétaire, qui guideront les marchés financiers, explique le président de CTI Capital.

Plus que jamais, les actions seront inversement corrélées aux taux d'intérêt, selon lui. Si les taux baissent, les actions monteront, mais s'ils montent, on pourrait assister à une cassure du marché des actions.

Mais il y a lieu d'être optimiste, car la Réserve fédérale américaine (Fed) veille au grain. Selon Viet Buu, la Fed est bien consciente de l'effet pervers qu'aurait sur les marchés boursiers un resserrement trop hâtif de la politique monétaire. Elle fera en sorte que les taux sur les obligations à long terme demeurent inférieurs à 3%.

Elle sera d'autant plus prudente que la situation géopolitique semble fragile sur certains fronts, dont l'Ukraine et le Moyen-Orient. La Fed fera en sorte qu'il n'y ait pas de récession en 2015.

Chez CTI Capital, on se dit constructif sur les actions et aussi sur les obligations. Les actions rapporteront un rendement de 5 à 8% en 2015. Quant aux obligations, les rendements devraient égaler à peu de choses près le coupon d'intérêt.

Les marchés canadiens devraient avoir des performances relativement similaires à celles des marchés américains. L'économie pourrait ralentir quelque peu afin de corriger certains excès, notamment dans le secteur de l'immobilier, mais il n'y a pas de récession en vue, selon Viet Buu. «Quant aux commodités, secteur important pour le marché boursier canadien, on a traversé la tempête assez bien», constate-t-il.

PHOTO FRANÇOIS ROY, LA PRESSE

Viet Buu, président de CTI Capital