Monette Malewski, présidente du Groupe M. Bacal, entreprise familiale dans le domaine de l'assurance vie, reçoit le prix Inspiration de l'AFFQ. Trois jeunes lauréates, étudiantes en finance, lui ont soumis des questions: Myriame Landry, de l'Université Laval, gagnante du prix remis par RBC Banque Royale, de même que Julie Cardinal et Lou Fang, de HEC Montréal, lauréates du prix Relève remis par le Mouvement Desjardins.

Q Quel était votre rêve lorsque vous étiez sur les bancs d'école?

R Devenir enseignante. J'enseigne en quelque sorte encore aujourd'hui comme courtière, puisque je dois partager mes connaissances avec les gens, aller les chercher. Ce que j'ai appris en enseignement me sert encore tous les jours.

Q Comment avez-vous commencé à travailler dans l'entreprise familiale?

R Après avoir travaillé près de 30 ans en éducation, j'ai voulu travailler pour moi plutôt que pour les autres, mais je ne savais pas quoi faire exactement. Mon mari travaillait dans l'assurance et des gens m'ont dit que les enseignants faisaient de bons courtiers puisqu'il faut parler aux gens, comprendre leur situation, les éduquer. C'est très humain. Ça m'a intéressée, alors je suis retournée aux études pour obtenir mon permis de courtier en assurance de personnes. Au même moment, je me suis impliquée au Réseau des femmes d'affaires du Québec, où j'ai notamment organisé une grande conférence avec des femmes d'affaires de différentes communautés culturelles. Des gens de la Chambre de commerce du Montréal métropolitain ont assisté à la conférence, et six mois plus tard, je devenais membre de leur conseil d'administration.

Q Les entreprises familiales connaissent généralement du succès grâce à leur fondateur et à sa vision. Avez-vous trouvé difficile de reprendre l'entreprise de votre mari? Comment y êtes-vous arrivée?

R C'était un moment très difficile puisque j'ai repris l'entreprise lorsque mon mari est mort en 1998. Toutefois, mettre toute mon énergie dans l'entreprise m'a aidée à passer à travers. Je crois que pour réussir, il faut comprendre les grandes valeurs derrière l'entreprise et les préserver. En même temps, on doit regarder les processus et la structure de l'entreprise pour voir ce qu'on fera de différent puisqu'il faut faire les choses à sa façon. Je me souviens m'être enfermée trois jours pour me demander comment je transférerais les clients de mon mari à moi. Ce n'était pas évident, ils ne me connaissaient pas nécessairement. Je leur ai finalement écrit pour leur dire à quel point mon mari avait été un excellent entrepreneur en qui ils avaient eu confiance et que j'étais choyée qu'il m'ait transféré tout ce qu'il avait bâti. J'ai demandé à chacun de m'accorder une rencontre et ils ont tous accepté. J'étais très différente de mon mari, il était comptable agréé, mais nous avions en commun le souci du service à la clientèle ,et j'ai dit à chaque client que je savais où aller chercher l'expertise que je n'avais pas. J'ai été très honnête. J'ai gardé 96% de la clientèle et j'ai pris de l'expansion.

Q Quels conseils donneriez-vous aux jeunes femmes qui souhaitent devenir entrepreneuses?

R Il faut être passionnée, patiente, s'engager et s'entourer d'une bonne équipe. On ne peut pas toujours gagner, non plus, et il faut tirer les leçons des batailles que l'on perd. Je pense aussi qu'on ne peut pas tout faire en même temps. Il y a des passages. Si on veut une famille, il faut avoir un conjoint avec qui partager les responsabilités. Parfois, on veut tout faire soi-même, mais on ne peut pas, il faut avoir du soutien. J'ai été six ans chef de famille monoparentale avant de me remarier. Je sais ce que c'est! Il faut aussi analyser les possibilités en fonction de ses valeurs et d'où on est rendu dans la vie. Par exemple, en 1986, le ministre de la Justice Herbert Marx voulait me nommer directrice de la protection de la jeunesse pour la province. J'avais fait tout le processus de sélection, puis, à la dernière minute, j'ai changé d'idée. Je venais de rencontrer celui qui allait devenir mon deuxième mari et je savais que si j'acceptais le poste, je devrais être toujours à l'extérieur et je raterais l'occasion d'être avec lui. À ce moment-là, j'avais besoin de trouver un équilibre dans ma vie familiale et professionnelle. Je n'ai jamais regretté ma décision.

Q Que voulez-vous accomplir maintenant?

R Je viens de terminer ma formation pour devenir FEA (Family Enterprise Advisor) pour conseiller les entreprises familiales. Il y a un grand besoin au Québec, notamment pour le transfert intergénérationnel, et je souhaite pouvoir aider.