Le projet de loi 14, qui modifie profondément l'exercice de l'exploration et de l'exploitation minières au Québec, a divisé le territoire en deux camps diamétralement opposés.

En clair, et selon l'expression agricole quelque peu biblique, le diable est aux vaches.

Les milieux miniers ne s'opposent pas, publiquement du moins, aux dispositions de cette loi qui augmentent la garantie financière devant être déposée avant même le début des travaux miniers. Cette garantie devra accompagner le plan de réaménagement et de restauration du site.

Donc, avant de creuser dans le paysage, les exploitants doivent expliquer comment, à la fermeture de la mine, ils remettront le site dans son état original et ils sont tenus de fournir les fonds prévus pour cette opération de nettoyage. Ça, en gros, ça passe.

Cependant, la volonté exprimée par le projet de loi de soustraire les territoires urbanisés et de «villégiature» à l'exploitation minière ne plait pas, non seulement aux milieux miniers, on le verra. La loi 14 modifierait l'article 304.1 de la loi 91 dans ce sens.

Dan Tolgyesi, président et chef de la direction de l'Association minière du Québec (AMQ), ne le digère pas. «Si c'est fait comme ça, la carte entière du Québec municipal est soustraite à l'activité minière. Celle-ci pourrait en tout temps faire l'objet d'un veto très politique de la part des maires. Et si jamais la population souhaitait que l'activité minière existe sur son territoire ou se poursuive, la municipalité devrait monter à Québec demander au ministre une dérogation qu'il pourrait toujours refuser. Ce n'est pas la bonne approche.»

Villes pour, villes contre

L'AMQ n'est pas seule à faire la grimace devant le projet de loi 14. La Chambre de commerce et d'industrie de Rouyn-Noranda n'en veut pas, du moins tel quel, pas plus d'ailleurs que le maire de Val-d'Or, Fernand Trahan, qui l'a affirmé devant la Commission de l'agriculture, des pêcheries, de l'énergie et des ressources naturelles au moment des auditions publiques sur le projet de loi 14.

M. Trahan ne veut pas que les richesses collectives des Québécois se retrouvent entre les mains d'élus locaux.

Mais si en Abitibi-Témiscamingue on est contre la loi 14, sur la Côte-Nord, c'est exactement le contraire. Christine Brisson, mairesse de Baie-Comeau, accueille le droit de veto des villes sans déchirement.

«Notre tâche est de gérer notre territoire, d'en assurer l'accessibilité sociale et collective. Il est logique de soustraire la municipalité au secteur minier sauf là où des consultations publiques montreraient que les gens sont pour.»

Ceci dit, l'Union des municipalités du Québec appuie le projet de loi 14.

Comment se fait-il qu'il y ait de telles disparités d'une partie du territoire à l'autre, que le nord de la province en gros soit contre la loi 14 et que le sud soit pour?

Dan Tolgyesi propose une explication: «Dans le nord, l'industrie est arrivée avant la ville, dit-il. Quand la ville s'est développée, le voisinage des mines était un fait familier, apprivoisé. Dans le sud et sur la Côte-Nord, la municipalité s'est implantée avant l'arrivée des mines aux portes des villes. Autre culture.»

L'AMQ, devant ce tiraillement, propose de faire exactement le contraire de la loi 14: permettre le développement minier partout, mais octroyer aux municipalités qui ne voudraient pas de mines sur leurs territoires le droit de monter à Québec demander une dérogation au ministre.

Ce dernier aura, nul doute, un agenda bien rempli dans les prochaines semaines.