Pour répondre aux immenses enjeux posés par le développement durable et les changements climatiques, la communauté internationale s'est dotée d'une plateforme de recherche mondiale, Future Earth.

Lancée en 2012 au Sommet Rio+20, le projet coordonne les travaux de 60 000 chercheurs à travers le monde. Montréal est l'une des villes qui se partagent le secrétariat mondial de l'organisation - avec Paris, Stockholm, Tokyo, ainsi que Boulder et Fort Collins dans l'État du Colorado. C'est également à Montréal que Future Earth a trouvé son directeur exécutif: Paul Shrivastava, professeur émérite à l'Université Concordia. Il a accepté de répondre à nos questions.

Q Quelles sont les priorités de Future Earth?

R Environ 1,3 milliard d'individus n'ont pas accès à l'électricité. Quelque 800 millions de personnes ne mangent pas à leur faim. Et d'ici 2030, la moitié de la population mondiale vivra dans des régions en pénurie d'eau. Tous ces problèmes sont liés, et nous cherchons des solutions qui intègrent à la fois l'énergie, la nourriture et l'eau.

L'urbanisation nous préoccupe aussi. Nous voulons déterminer quels sont les facteurs favorisant des villes vibrantes, dynamiques et résilientes, et non pas de l'étalement urbain en pure perte.

Évidemment, nous nous attaquerons aussi aux changements climatiques, à la perte de biodiversité et à la pollution.

À la manière des projets de recherche internationaux comme l'Organisation européenne pour la recherche nucléaire (CERN) et la Station spatiale internationale, nous menons des études qu'aucun pays ne peut faire seul, mais dont toutes les nations bénéficieront.

Q Future Earth a une vingtaine de projets de recherche en cours. Pouvez-vous nous en donner quelques exemples?

R Nous chapeautons des recherches de calibre mondiales déjà en cours, comme le Global Carbon Project qui, chaque année depuis 2001, publie le budget carbone de la planète. Bientôt, Future Earth coordonnera une vingtaine de projets du même type qui exploreront les énergies, l'atmosphère, les océans, la terre, la biodiversité, la gouvernance et la santé humaine.

L'une de nos initiatives les plus récentes est ArcticSTAR, un projet qui réunit des communautés de chercheurs qui s'intéressent à l'Arctique et dont l'expertise nous aidera à surmonter les défis environnementaux dans cette région.

Q Pourquoi avoir choisi Montréal comme l'un des cinq pôles du secrétariat mondial de Future Earth?

R Montréal a présenté un dossier de candidature très étoffé, appuyé par une alliance dirigée par Montréal International et composée des universités montréalaises, le consortium de recherche sur le climat Ouranos et le Fonds de recherche du Québec. Ce sont les lumières intellectuelles de Montréal. La ville possède une énergie qui reflète bien l'esprit de Future Earth: elle est au carrefour des arts, des médias et des technologies numériques, tout ce qu'il faut aux chercheurs pour transformer notre planète en un environnement durable.

Q En plus d'être un scientifique, vous êtes un homme d'affaires: vous faites partie de l'équipe qui a créé Hindustan Computers Ltd., l'une des plus importantes sociétés informatiques en Inde. Comment le monde des affaires peut-il contribuer au développement durable et à la lutte contre les changements climatiques?

R Le secteur privé est en train de redéfinir ses responsabilités. Des hommes d'affaires comme Richard Branson chez Virgin et Paul Polman chez Unilever unissent leurs efforts pour créer des initiatives comme Plan B, un projet qui vise à construire des modèles d'affaires durables à faible bilan carbone. La communauté scientifique redéfinit aussi ses responsabilités et, à travers des plateformes comme Future Earth, crée des avenues pour que les entreprises aient recours à la science afin de participer à ce changement. Ultimement, nous devons «décarboniser» en profondeur l'économie globale pour contenir la hausse du réchauffement à 2 degrés Celsius. Bien que ce soit un défi pour notre génération, c'est aussi une immense occasion d'affaires.