Pour la plupart des Québécois, il s'agit d'une ville-étape entre Montréal et Québec, là où on arrête pour casser la croûte.

En réalité, Drummondville est beaucoup plus que cela.

S'il est une ville au Québec que l'on peut citer en exemple de dynamisme entrepreneurial, c'est bien Drummondville.

Comme le montre bien ce cahier Portfolio, ce ne sont pas les projets qui manquent: création de deux nouveaux parcs industriels (ce qui porte le nombre total de parcs à 11); construction d'un centre de foires commerciales, aménagement d'un pôle de cultures en serre, construction d'un centre de formation en recyclage, et même mise sur pied d'un poste de commissaire à l'immigration.

Il n'en a pas toujours été ainsi.

Forte croissance

Au milieu des années 70, le taux de chômage à Drummondville frisait les 25%, les entreprises industrielles et les commerces fermaient.

En 1977, la revue L'actualité a décrété impitoyablement que c'était une «ville à l'agonie», rien de moins. Et un collègue journaliste montréalais, qui voyageait en chemin de fer entre Montréal et Québec, a écrit ce commentaire assassin quand le train s'est arrêté à la gare de Drummondville: «Même la locomotive pleurait!»

Au début des années 80, la ville comptait 150 établissements industriels; ce chiffre est passé à 290 en 1987, à 550 en 2002 et à près de 700 en 2007. Pas mal pour une «ville à l'agonie».

Comme on s'en doute, cette profusion de nouvelles entreprises (dont une quarantaine qui emploient plus de 100 personnes) agit comme un aimant sur la population des autres régions.

La population de la ville est passée de 35 000 habitants en 1993 à 47 000 en 2002 à 71 000 aujourd'hui. Il y a bien eu quelques annexions de municipalités voisines, mais l'essentiel de cette spectaculaire croissance est attribuable aux nouveaux arrivants attirés par les emplois.

Certes, Drummondville a été touchée par la récession, et particulièrement par la morosité du marché américain. Quelque 1500 emplois industriels ont été perdus en 2008 et 2009.

N'empêche: le taux de chômage de la région Centre-du-Québec, dont Drummondville est la principale agglomération, se situe à 5,6%, contre une moyenne québécoise de 7,6%.

Et le vent est à l'optimisme: une récente enquête de la chambre de commerce locale auprès de 68 entrepreneurs locaux montre que la moitié d'entre eux sentent déjà un vent de reprise dans leurs entreprises. En ces temps de déprime, ce n'est pas un mauvais score du tout.

Défi relevé

Mais qu'est-ce qui peut expliquer une telle réussite?

On dira que Drummondville occupe un emplacement hautement stratégique au coeur du Québec, entre la métropole et la capitale, entre les grandes villes de Trois-Rivières et Sherbrooke. C'est sans doute vrai, mais ça n'explique pas tout.

Il est certain par ailleurs que des organismes locaux comme la Société de développement économique et la chambre de commerce affichent une vitalité impressionnante depuis plusieurs années.

La populaire et énergique mairesse Francine Ruest-Jutras (en poste sans interruption depuis 24 ans) a certainement joué un rôle-clé dans le succès drummondvillois.

Mais d'autres villes ont aussi des chambres de commerce dynamiques, des commissaires industriels efficaces, des maires (et souvent, des mairesses) énergiques.

À mon avis, il y a quelque chose d'autre.

Dans les années 70, alors que la «locomotive pleurait», la défunte revue humoristique Croc a désigné Drummondville comme la capitale québécoise de la quétainerie et de l'insignifiance.

D'autres petits comiques montréalais ont emboîté le pas à Croc, de sorte que les Drummondvillois sont vite devenus la cible de tous les sarcasmes. Railleries qui, bien sûr, n'avaient aucun fondement, mais dont l'effet a été dévastateur sur la réputation de la ville, et encore plus sur le moral des Drummondvillois.

«Ces campagnes de dénigrement nous ont piqués au vif», me disait il y a quelques années Francine Ruest-Jutras, et c'est précisément pour cette raison qu'elle s'est lancée en politique municipale: refaire l'image de Drummondville.

«Aucun doute, cela nous a fouettés», confirme Alain Côté, directeur général de la chambre de commerce

Je me rappellerai toujours avec quelle émotion Guy Gauthier, professeur de géographie à la retraite et homme de grande culture, m'a raconté des années après le fait à quel point il avait encore la «locomotive qui pleure» au travers de la gorge.

Au début des années 80, la situation était telle que Benoit Laflamme, administrateur aujourd'hui à la retraite et autre figure-clé de la «revanche» de Drummondville, estimait que la priorité de la ville consistait à se «refaire une crédibilité».

Trente ans plus tard, le défi a été relevé avec brio. Et Croc a fait faillite...