Alors que la commission Charbonneau doit déposer à la fin du mois de novembre son très attendu rapport, les cabinets d'avocats qui se spécialisent en gestion de crise et en gouvernance disent constater des changements d'attitude au sein des entreprises et de leurs conseils d'administration.

«Il y a eu une prise de conscience, une conscientisation, confie l'avocat montréalais Clemens Mayr, en entrevue à La Presse. On nous demande maintenant d'intervenir à titre préventif, et même dans les entreprises où tout va bien.

«C'est positif, ajoute l'avocat qui fait notamment de la gestion de crise chez McCarthy Tétrault. Tous reconnaissent maintenant que les enjeux de gouvernance sont majeurs et qu'ils sont là pour rester.»

Sollicités

Résultat: selon lui, les cabinets d'avocats, au Québec, sont «de plus en plus sollicités» pour fournir leur expertise.

«Ce sont surtout les cabinets de droit des affaires avec une forte expertise que cela occupe le plus», fait-il valoir.

Cette opinion est partagée par l'avocat montréalais François Viau, qui remplit des mandats en risques d'entreprise et en intégrité commerciale au sein du cabinet Gowlings, à Montréal.

«Au Québec, l'expertise en cette matière s'est développée plus rapidement au cours des cinq dernières années, et les bureaux d'avocats ont mis en place des équipes qui font davantage dans la gestion de crise, relève-t-il. La commission Charbonneau y a contribué, en partie, mais il y a aussi les lois canadiennes anticorruption qui ont beaucoup plus de dents.»

Mandats urgents

Et que font les avocats lorsqu'ils se voient confier des mandats avec la mention «urgent!» ?

«Ce sont souvent les membres d'un conseil d'administration, préoccupés par une situation anormale, une allégation de fraude ou de corruption, qui vont nous demander de mener notre propre enquête, de façon parfaitement indépendante, explique Me Mayr.

«Mais ça ne s'arrête pas là, ajoute-t-il. Notre travail consistera, en outre, à faciliter la mise en place de mesures correctrices, en plus d'instaurer les contrôles appropriés, compte tenu des circonstances.»

Cet exercice exige toutefois la collaboration des dirigeants et des administrateurs de l'entreprise dont la réputation a été éclaboussée par des scandales, au Québec ou à l'étranger, relève Me Viau.

Conformité

«Nous préconisons la mise en place d'un programme de conformité à l'interne, résume l'avocat chez Gowlings, ainsi qu'un plan d'intervention qui permet de réagir plus rapidement quand une situation devient problématique.

«Nous suggérons plusieurs autres mesures de détection, ajoute-t-il, que ce soit un processus de divulgation, une ligne téléphonique de dénonciation, une politique claire sur les cadeaux, les pots-de-vin, les budgets discrétionnaires. C'est important que les employés et que les dirigeants et administrateurs y adhèrent.»

Il précise qu'à l'inverse, si une entreprise n'a aucune politique pour détecter certaines violations, si elle est prise en défaut, «elle ne pourra pas dire qu'elle ne savait pas».

Marqués

Me Viau dit observer que les secteurs de l'énergie, de la pharmaceutique, de la construction, des ressources naturelles, notamment, et les firmes d'ingénieurs «accélèrent la cadence» pour adopter de tels programmes de conformité.

«Mais le phénomène est mondial, dit-il. Il suffit d'aller voir ce qui se passe en Allemagne chez Volkswagen. La première chose que ses dirigeants ont faite, c'est de lancer leurs propres enquêtes internes, indépendantes.»

Parce que les dommages causés par des allégations de corruption font mal, et il faut mettre des années avant de retrouver une santé d'entreprise, soulève Me Mayr.

«Qu'on pense à la firme SNC, conclut l'avocat. Quatre ans plus tard, cette firme traîne encore cette histoire.»