Me Marc Dorion, avocat spécialisé dans le domaine des ressources naturelles, des infrastructures et de l'énergie, croit que le gouvernement Marois fait fausse route en cherchant de nouveaux revenus dans le secteur minier déjà fragilisé.

Selon lui, le Québec devrait favoriser l'accès au minerai et cesser de comparer sa législation avec celle de pays aux réalités bien différentes.

Impliqué depuis des années dans le développement du Nord-du-Québec, Me Dorion a l'habitude de participer aux étapes de négociations, de financement, de développement de l'accès et des infrastructures, principalement dans le domaine du fer. Bien qu'il comprenne les objectifs du ministre québécois des Finances de vouloir augmenter la base des revenus de la province, il considère que ses moyens devraient être plus flexibles.

«Le gouvernement a tout intérêt à laisser respirer les minières, estime l'avocat du cabinet McCarthy Tétrault. Le Québec doit sécuriser l'accès aux infrastructures du Nord pour générer des projets compétitifs à l'échelle internationale. La structure de royautés qui est en cours est déjà très intéressante pour le gouvernement.»

Contrairement aux pays où les grandes minières contrôlent tout, ajoute-t-il, «nous avons la chance unique de permettre un accès équitable à plusieurs compagnies indépendantes. Il faut absolument favoriser leur accès à la ressource et au financement. C'est une fenêtre d'opportunité qui ne repassera pas».

Accords entre géants et juniors

Le Québec compte sur plusieurs petites compagnies dites «juniors», qui ont la capacité et le droit de développer des projets majeurs au Québec. Généralement listées à la Bourse de Toronto et ayant accès au capital dans des conditions normales, elles se chargent des phases de développement en solo.

«À un certain moment, des milliards doivent être investis dans le projet, souligne Me Dorion. Les compagnies juniors se tournent vers un partenaire stratégique, qui prend une participation dans la capitalisation et dans la ressource qu'elles détiennent. Le partenaire achète alors entre 50 et 70% du minerai pour sécuriser son approvisionnement à long terme.»

Toutefois, avec la compétition de l'Australie, du Brésil et de plusieurs pays d'Afrique, ces grandes entreprises ont l'embarras du choix. «Nous devons leur faire comprendre que le Québec est le meilleur endroit pour investir. Nous avons avantage à régler le problème d'accès, plutôt que d'endurcir un régime qui est déjà relativement dispendieux pour les sociétés minières.»

David contre Goliath

Dans le domaine du fer, le Québec produit environ 5% de la production de l'Australie, qui génère 400 millions de tonnes par année. Les conditions d'extraction sont également bien différentes. «L'Australie est un territoire catégorisé Q1, c'est-à-dire que le minerai est facile à extraire et que les coûts d'exploitation sont bas. Le Québec est plutôt un Q3: le minerai est en concentration plus faible et le coût de production est plus élevé. Sans compter que nous sommes beaucoup plus loin du marché asiatique. Notre situation nous oblige à être extrêmement créatifs et compétitifs pour attirer les capitaux», affirme l'avocat.

Si on compare le Québec à ses voisins, la réalité des minières est également plus ardue dans la belle province. «Le taux de taxation en Ontario est d'environ 27%, alors que celui du Québec est de 39%. Les entreprises doivent donc payer près de 12% supplémentaires pour le même produit. Dans un contexte où les minières sont impliquées dans une course aux capitaux, on complique leur accès au financement en les désavantageant avec nos mesures fiscales.»

Dix fois plus de profits

S'il se réfère à son expertise dans le domaine du fer, Me Marc Dorion est d'avis que le Québec pourrait engendrer dix fois plus de profits. «Nous pourrions générer 100 millions de tonnes par année, contrairement aux 25 tonnes produites à l'heure actuelle. Sachant que 10 millions de tonnes de fer génèrent entre 200 et 300 millions par année au Québec, on parle de milliards de revenus qui s'ajouteraient. Le potentiel de croissance est très important. L'appétit des investisseurs est fort. Je ne crois pas que ce soit le bon moment pour changer la fiscalité des lois minières.»

En plus de miser sur un environnement socio-économique stable, le Québec risque d'attirer les investisseurs en favorisant l'accès ferroviaire et portuaire. «Le climat d'incertitude qui plane actuellement sur le développement des infrastructures nuit à la province. Les entreprises veulent éviter les risques et respecter des horaires très précis. Lorsqu'une compagnie prévoit ses achats de fer pour les besoins de ses aciéries en 2019, nous devons livrer à temps. C'est une course contre la montre. Si nous n'arrivons pas à être clairs sur nos intentions avec les infrastructures, les capitaux risquent d'aller ailleurs.»