Réajuster le tir. Voilà ce que les municipalités doivent faire depuis l'abolition des Conférences régionales des élus (CRÉ) et la réduction de 50% des budgets de fonctionnement des Centres locaux de développement (CLD). Six mois après l'annonce du nouveau pacte fiscal du gouvernement du Québec, des maires des quatre coins de la province font le point.

Gatineau

L'heure est à l'évaluation

Le budget de fonctionnement de 4,5 millions de Développement économique-CLD de Gatineau a été amputé 750 000$ depuis l'annonce du nouveau pacte fiscal de Québec, ce qui représente 16% du portefeuille qui lui est annuellement alloué.

S'il n'est pas question de mises à pied pour le moment, Gatineau doit néanmoins revisiter ses mandats et réévaluer son mode de fonctionnement. Et c'est ce que la Ville compte faire d'ici 2016.

«Avec moins d'argent, nous ne pouvons pas garder ce système-là indéfiniment», constate Maxime Pedneaud-Jobin, maire de Gatineau.

Avec la disparition de la CRÉ, «nous en sommes à nous demander qui devrait faire quoi: quelles responsabilités reviennent à la ville, au milieu ou à la région?»

Les acteurs économiques de la région, réunis dans un «comité de sages», dessineront les contours d'une nouvelle structure de développement économique au cours des prochains mois.

Notons que DE-CLD de Gatineau a enregistré des surplus budgétaires annuels de 1 million au cours des six dernières années. «Nous avions réduit nos frais de fonctionnement au strict minimum pour nous permettre de donner de l'aide aux entreprises», explique Maxime Pedneaud-Jobin.

Québec devrait «faire une réforme fiscale» afin de donner aux villes les moyens de réaliser les nouvelles responsabilités qui lui sont déléguées, indique M. Pedneaud-Jobin. «On en met sur nos épaules, mais 87% de mon budget reste de la taxe foncière qui n'est pas censée aller au développement économique.»

PHOTO ÉTIENNE RANGER, LE DROIT

Maxime Pedneaud-Jobin, maire de Gatineau

Rimouski

Abolir les silos

Le CLD de Rimouski-Neigette ferme ses portes et les représentants de la MRC ont convenu de transférer sa mission de développement économique à sa ville phare, Rimouski.

«La MRC a confié le mandat de développement économique de la région à la SOPER», explique Éric Forest, maire de Rimouski.

La Société de promotion économique de Rimouski (SOPER) est l'organisme qui assure le développement industriel et touristique de la municipalité. «Nous nous sommes donné six mois pour réviser notre mode de gouvernance», dit Éric Forest.

Des employés du CLD ont été mis à pied, «mais ils ont, et auront, la possibilité de postuler» à de nouveaux postes créés à la SOPER, poursuit le maire. Au total, quatre postes disparaîtront alors que huit seront créés.

Pourquoi ne pas avoir transféré les employés d'une organisation à l'autre?

«Nous ne voulions pas», tranche Éric Forest, soulignant que les employés du CLD étaient syndiqués et que la Ville et la MRC ne voulaient pas «traîner cet héritage».

Selon Éric Forest, l'efficacité de la SOPER devrait pallier le manque à gagner provenant des coupes gouvernementales représentant 55% du budget de fonctionnement du CLD.

Par souci d'efficacité, la SOPER regroupe déjà, depuis 2011, les missions de la Fondation centre-ville et l'Office du tourisme de Rimouski. L'objectif étant d'éviter les dédoublements, de briser les silos et de partager les compétences de chaque organisme afin de faire des économies.

PHOTO FOURNIE PAR LA VILLE DE RIMOUSKI

Éric Forest, maire de Rimouski

Laval

L'objectif du «guichet unique»

Pour assurer son développement économique, Laval a créé une nouvelle structure: la Direction générale adjointe (DGA) au développement économique.

L'organisme avale deux structures: Laval Technopole et le CLD de Laval. Elle pourrait éventuellement intégrer la CRÉ si cette dernière n'est pas incorporée à une autre société paramunicipale.

L'objectif: créer «un guichet unique» pour les acteurs économiques en rendant ainsi plus efficaces les communications entre les instances de la ville. Par exemple, un promoteur n'aurait plus à trimbaler son dossier d'un organisme à l'autre; une seule société en assurerait le traitement.

Le projet de loi 28 du gouvernement du Québec - abolition des CRÉ et des CLD - n'a fait que précipiter les décisions, indique Marc Demers, maire de Laval. Car voilà, depuis près d'un an, la nouvelle administration restructure ses 11 sociétés paramunicipales.

Ces organismes fonctionnaient en silos, déplore Marc Demers: «Notre levier économique, Laval Technopole, n'était pas nécessairement au courant de ce qui se déroulait sur les plans de l'urbanisme ou de l'environnement. La seule place où il y avait une vue globale c'était au bureau du maire.»

Le transfert de compétence de Laval Technopole et du CLD au DGA ne suscitera aucune mise à pied, assure par ailleurs le maire.

PHOTO HUGO-SÉBASTIEN AUBERT, ARCHIVES LA PRESSE

Marc Demers, maire de Laval

Drummondville

L'autonomie municipale

«Il n'y a pas eu de long débat sur ce que nous allions et devions faire lorsque le gouvernement a annoncé la fin du CLD», lance Alexandre Cusson, maire de Drummondville.

Aussi bien la MRC de Drummond que Drummondville ont rapidement convenu que la Société de développement économique de Drummondville (SDED) allait reprendre le relais.

Le cas de Drummondville est particulier. Créée en 1986, la SDED a obtenu l'autorisation d'intégrer la mission du CLD lors de leur création en 1998.

«Avec l'abolition des CLD, la mission du CLD disparaît tout simplement des lettres patentes et nous revenons à notre ancienne façon de faire. Cela ne change pas grand-chose», constate-t-il. La portion gouvernementale destinée au CLD ne représentait que 7% du budget de fonctionnement de la SDED, un «organisme qui en mène large» dans la région, note Alexandre Cusson.

Le maire, «fervent de l'autonomie municipale», n'a jamais caché sa position: la fin des CLD est une excellente nouvelle. Dans les jours suivant l'annonce du gouvernement, en novembre, il a d'ailleurs pris position dans une lettre publiée dans les médias.

Six mois plus tard, sa position n'a pas changé d'un iota. Toutefois, il est crucial que le gouvernement laisse aux municipalités le choix d'établir leur propre organisme: «Quand tu as 7% du budget, ce n'est pas toi qui mènes dans l'entreprise. Pour nous, c'était important de garder notre autonomie. La structure que nous avons depuis maintenant 30 ans a fait ses preuves.»

PHOTO YANNICK POISSON, LA TRIBUNE

Alexandre Cusson, maire de Drummondville