Création d'emplois en hausse, filière entrepreneuriale en sciences de la vie, nouveaux centres d'innovation, initiatives originales, voire audacieuses, pour contrer la rareté de la main-d'oeuvre : l'Estrie a le vent en poupe. Voici pourquoi.

En 2017, l'Estrie a affiché un gain net de 3500 emplois, explique Yves Lavoie, directeur du bureau d'affaires de l'Estrie à Développement économique Canada (DEC).

Selon lui, l'Estrie traverse une période de croissance économique : taux de chômage à 5 % et démographie en hausse (retraités ou travailleurs). À cela s'ajoute un nombre grandissant d'entreprises innovantes - nouvellement établies ou existantes - qui ajoutent une plus-value à la région.

Attenant au Centre hospitalier universitaire de l'Université de Sherbrooke (CHUS), à Fleurimont, Espace Labz a été inauguré en novembre 2017. Cet espace de laboratoire pour les jeunes pousses en sciences de la vie est déjà occupé à 50 %.

« L'Espace Labz est porteur comme initiative, explique Josée Fortin, directrice générale de Sherbrooke Innopole. Ça favorise le développement d'entreprises dans le secteur des sciences de la vie. Mais surtout, ça nous permet de garder nos talents en région. »

Dans la grande région de Sherbrooke, capitale économique de l'Estrie, la filière des sciences de la vie compte quelque 50 entreprises qui font travailler près de 1700 personnes.

Renaissance d'Asbestos

Autrefois basée sur une économie mono-industrielle, en l'occurrence l'extraction d'amiante, la région d'Asbestos vit pour sa part une véritable renaissance depuis la fermeture de la mine Jeffrey en 2012.

L'ouverture récente du Centre d'innovation minière de la MRC des Sources vise à revaloriser les quelque 400 millions de tonnes de résidus issus de l'exploitation de la mine Jeffrey. Deux projets ont actuellement cours en lien avec le magnésium. L'un d'eux, Alliance Magnésium, dispose d'une usine pilote et travaille sur la construction prochaine d'une véritable usine. Le nickel et d'autres minéraux sont dans la ligne de mire du centre d'innovation minière.

Un second centre d'innovation, basé cette fois sur les écomatériaux, verra le jour en juin prochain, toujours à Asbestos. Une première entreprise dans le secteur, Nature Fibres, un fabricant d'isolant à base de chanvre, suscite déjà beaucoup d'enthousiasme, explique Hugues Grimard, maire d'Asbestos et président de la Table des MRC de l'Estrie (TME).

« En octobre prochain, on organisera la quatrième édition du Rendez-vous des écomatériaux. Au début, il fallait courir après les gens pour les attirer. Là, c'est le contraire. Tous nos kiosques sont déjà réservés. On reçoit même des gens d'Europe. » 

- Hugues Grimard, maire d'Asbestos et président de la Table des MRC de l'Estrie

Embaucher à l'étranger

Pour ne pas freiner l'élan que connaît la région, les entreprises et les autres acteurs économiques de l'Estrie ne lésinent pas pour contrer la rareté de la main-d'oeuvre : ils embauchent à l'étranger.

Le Salon virtuel de recrutement Ti, qui aura lieu les 25 et 26 avril, en est un exemple probant. Ce salon vise à recruter à l'étranger des travailleurs en technologie de l'information, mais aussi des étudiants désireux de poursuivre leur cheminement scolaire au Québec.

En date du 10 avril, 1500 Français, Tunisiens, Marocains, de même que des francophones du Mexique et du Brésil, étaient inscrits au salon. « Plus de 31 % d'entre eux ont entamé ou avaient terminé leur démarche d'immigration », explique Josée Fortin, dont l'organisme de développement économique est derrière cette initiative de recrutement.

À l'instar de plusieurs autres entreprises manufacturières en Estrie, Milan Conception, de Sherbrooke, vient de participer à sa troisième mission pour recruter des machinistes aux Philippines. En utilisant les services d'un consultant en recrutement, la PME spécialisée dans les boutons pressoir pour joints d'étanchéité doit payer entre 15 000 $ et 20 000 $ par travailleur pour un permis de deux ou trois ans. Cela exclut les cours de français et les autres éléments entourant l'accueil des travailleurs étrangers.

« On était frileux au début, mais on ne regrette vraiment pas notre décision. On a deux Philippins en place et six autres qui vont bientôt arriver. Ils sont compétents, gentils et s'intègrent très bien. Robotiser ses opérations, c'est bien beau, mais ça prend encore des humains », explique Josée Deshaies, directrice des ressources humaines chez Milan Conception.