Dépendante des cycles économiques des ressources naturelles (mines et forêts) depuis sa création, l'Abitibi-Témiscamingue a forgé son identité et celle de ses leaders en ayant la constante obligation de se renouveler. Pleinement conscients de cette réalité, les entrepreneurs Simon Letendre et Louise Levasseur nous présentent leur coin de pays.

Louise Levasseur

Âge: 43 ans

Profession: vice-présidente au développement des affaires chez Sécur Alert et ex-présidente du Regroupement des femmes en affaires en Abitibi-Témiscamingue

Dans la région depuis: originaire de Villemontel

Femmes

Puisque la région s'est bâtie grâce aux mines, aux forêts et aux industries traditionnellement masculines, les hommes occupent la majorité des postes de direction. «C'est plus difficile pour les femmes de se positionner, affirme Louise Levasseur. On doit travailler deux fois plus fort pour démontrer qu'on sait de quoi on parle et qu'on est capable de prendre des décisions. Pourtant, très souvent, les femmes travaillent dans l'ombre des hommes, et ce sont elles qui livrent en réalité.»

Aujourd'hui, les femmes sont prêtes à prendre leur place. «Certaines occupent des postes importants dans le domaine minier, constate Mme Levasseur. D'autres partent en affaires seules, sans être dans un duo où l'homme est au-devant. Avec 63 membres au Regroupement des femmes en affaires cette année, on a établi un record. J'encourage les femmes à occuper des postes de direction en entreprises, dans les conseils d'administration et en politique.»

Simon Letendre

Âge: 37 ans

Profession: président de TeaTaxi, une PME dans le domaine du thé de spécialité

Dans la région depuis: 37 ans

Débrouillardise

La région s'est bâtie grâce à des colonisateurs, qui devaient tout faire avec rien. «C'est dans notre ADN d'être imaginatifs, de ne pas avoir peur des défis et de trouver des solutions à toutes sortes de problèmes, estime Simon Letendre. Grâce à notre culture de «patenteu» et à notre goût pour l'innovation, je pense que nous arrivons à relever des défis techniques plus grands qu'ailleurs et à nous retourner de bord plus rapidement.»

L'Abitibi-Témiscamingue vit périodiquement des crises importantes avec les ressources naturelles, que ce soit les mines ou les forêts. «Mais on trouve toujours le moyen de survivre et de grandir, dit M. Letendre. Par contre, on aurait avantage à mieux commercialiser nos idées. Par le passé, on développait des solutions à nos problématiques, en investissant des millions en recherche et développement. Mais si d'autres entreprises rencontraient le même problème, on gardait nos idées pour nous. On a intérêt à exporter notre débrouillardise.»

PHOTO FOURNIE PAR JENNY CORRIVEAU

À la tête d'une entreprise qui se démarque dans le paysage abitibien, TeaTaxi, Simon Letendre affirme que les gens de la région sont plus inventifs qu'ailleurs. Contexte : Simon Letendre dans son usine-entreprôt.

Forces

Les nombreuses mises en chantier aux États-Unis et la baisse du dollar canadien favorisent le secteur forestier de la région. «Le Moulin LVL de Ville-Marie est à nouveau profitable, après des moments difficiles, affirme Jean-Claude Périgny, président du Fonds régional FTQ et ex-président de la Commission économique régionale. Temlam sera relancé par Groupe Forex, à Amos. La Scierie Landrienne et Matériau Blanchette, deux scieries indépendantes, ont gardé le cap. Les gestionnaires locaux ont bien opéré quand les temps étaient difficiles. Ils avaient moins d'obligations de rendement aux actionnaires, eux qui priorisent souvent les profits purs plutôt que de réinvestir, comme ils l'ont fait.»

Du côté minier, malgré les difficultés actuelles, la région profite de son expertise dès qu'il est question du développement minier du Nord. «On est les meilleurs pour construire des mines, dit Jean-Claude Périgny. D'ailleurs, la région doit mettre plus d'efforts pour soutenir l'exportation de cette expertise à l'étranger. Il faut supporter nos PME et les aider à mettre en marché leurs produits.»

PHOTO PATRICK SANFAÇON, ARCHIVES LA PRESSE

Défis

Le gouvernement québécois vient de changer la donne du développement économique en coupant dans les budgets des Centres locaux de développement (CLD) et de la Conférence régionale des élus (CRE). «On avait de l'argent pour développer des produits et soutenir nos PME, mais plusieurs organismes sont menacés de survie sans les subventions de ces instances régionales, estime M. Périgny. En parallèle, le prix stagnant des métaux nous nuit. Les pronostics sont peu encourageants pour au moins un an.»

D'ailleurs, plusieurs mines ont rationalisé leurs effectifs au maximum. «Et comme les budgets en exploration ont beaucoup diminué depuis 2008, peu de mines vont ouvrir dans le futur, renchérit Jean-Claude Périgny. Moins on explore, plus on risque de ne pas pouvoir profiter d'une éventuelle reprise. Les travailleurs ne quittent pas à court terme, car ils espèrent que ça va reprendre. Mais si ça dure, notre expertise va abandonner la région, ce qui aurait un impact économique énorme.»

PHOTO ARCHIVES LA PRESSE

EN CHIFFRES

TROIS GRANDES VILLES (2013)

Rouyn-Noranda: 41 904

Val-d'Or: 32 697

Amos: 12 803

La Sarre: 7 593

Source: L'Observatoire de l'Abitibi-Témiscamingue

 Abitibi-Témiscamingue

-Population active (2013): 147 9031

-Taux de chômage (décembre 2014): 8,2%

-Revenu disponible par habitant (2013): 27 997$

Québec

-Population active (2013): 8 155 334

-Taux de chômage (décembre 2014): 7,6%

-Revenu disponible par habitant (2013): 26 774$

*Institut de la statistique du Québec

Top 5 des plus importants employeurs:

1) Agnico-Eagle (1450)

2) Tembec (1400)

3) CSSS de la Vallée-de-l'Or (1300)

4) CSSS de Rouyn-Noranda (1200)

5) Commission scolaire de Rouyn-Noranda (984)

Source: ministère de l'Économie, de l'Innovation et de l'Exportation

Nombre de parcs industriels: 9

Source: ministère de l'Économie, de l'Innovation et de l'Exportation

TROIS PLUS GRANDS SECTEURS D'ACTIVITÉ DE LA RÉGION

Grands secteurs d'activité (2013)

Commerce (12 700)

Soins de santé et assistance sociale (12 000)

Fabrication (7800)

Mines (6600)

Source: Observatoire de l'Abitibi-Témiscamingue

Top 3 des plus grands sièges sociaux

1) Ben Deshaies (Amos)

2) Mines Richmont (Rouyn-Noranda)

3) Orbit Garant Drilling (Val-d'Or)

Source: ministère de l'Économie, de l'Innovation et de l'Exportation