Réduire les coûts, améliorer l'image de l'entreprise, attirer et retenir les talents, rassurer les investisseurs : le développement durable est une excellente façon d'atteindre ces objectifs. Mais comment s'y prendre? La Presse vous présente cette série pour en savoir plus. Cette semaine : l'analyse du cycle de vie. Deuxième d'une série de six articles.

En matière de développement durable, avoir de bonnes intentions ne suffit pas. Il se peut qu'en voulant bien faire, on rate la cible faute d'avoir adopté une démarche rigoureuse pour mesurer les impacts de nos activités sur l'environnement.

C'est pour quantifier de façon juste tous les impacts d'un produit ou d'un service que la démarche d'analyse du cycle de vie a été mise au point.

Cette méthode permet de faire une analyse quantitative précise de tous les impacts d'un produit à partir de l'étape de l'extraction des matières premières qui le composent jusqu'à sa disposition finale, en passant par la fabrication, le transport, la distribution et l'utilisation.

L'analyse tient compte de 14 éléments regroupés en quatre grandes familles: les impacts sur la santé humaine, sur les écosystèmes, sur les ressources et sur les changements climatiques.

«Nous pensons que c'est la méthode la plus efficace et la plus crédible pour évaluer les impacts environnementaux et avoir toute l'information requise pour être en mesure de faire des choix judicieux, appuyés sur un raisonnement scientifique, dit Johanne Gélinas, associée, responsabilité d'entreprise et changements climatiques, chez Deloitte. Elle permet à l'entreprise de choisir l'option la plus avantageuse sur les plans économique et environnemental.»

La tendance actuelle va beaucoup vers la mesure de l'empreinte carbone d'un produit. L'analyse du cycle de vie permet d'avoir un portrait beaucoup plus complet de tous les impacts, que ce soit l'utilisation d'eau ou la façon de disposer du produit à la fin de sa vie utile. Elle donne davantage l'heure juste.

«C'est en train de devenir un incontournable, dit Valérie Bécaert, directrice exécutive adjointe du Centre interuniversitaire de recherche sur le cycle de vie des produits, procédés et services (CIRAIG). Pour prendre les bonnes décisions, il faut avoir une perspective globale, pas seulement tenir compte des GES. Il arrive qu'en voulant corriger un problème, on ne fasse que déplacer l'impact ailleurs. Les Nations unies considèrent que l'analyse du cycle de vie est la seule approche qui va donner de réels résultats, et c'est la seule approche acceptée au niveau mondial pour opérationnaliser le développement durable.»

Avantages

L'analyse du cycle de vie est un processus complexe et coûteux. Il faut plusieurs mois et plusieurs milliers de dollars pour réaliser une telle analyse, qui doit être menée par des spécialistes. Cependant, c'est un investissement rentable, selon Johanne Gélinas.

«C'est un avantage sur le plan stratégique pour une entreprise qui se veut innovante et qui veut se positionner sur le marché des produits écologiques, comme l'a fait Rona avec sa gamme Rona Éco», dit-elle.

Éventuellement, de grands détaillants comme Wal-Mart, qui a déjà exigé de ses fournisseurs qu'ils réduisent leurs emballages, pourraient leur demander de fournir davantage d'informations sur le cycle de vie de leurs produits.

Déjà, en Europe, les exigences sur l'information environnementale d'un produit sont plus importantes qu'en Amérique du Nord, où l'analyse du cycle de vie n'est pas encore utilisée de façon aussi courante.

Toutefois, le Québec a une longueur d'avance en la matière au Canada grâce à l'expertise du CIRAIG, qui regroupe des chercheurs de plusieurs universités. Déjà, plusieurs grandes entreprises ont eu recours à l'analyse du cycle de vie. Le CIRAIG a notamment accompagné Bell, Arcelor Mittal, Cascades et Rio Tinto Alcan.

«L'expertise commence tranquillement à se transposer dans l'industrie, dit Johanne Gélinas. Mais il reste encore beaucoup à faire pour convaincre les entreprises qu'une analyse du cycle de vie de leurs produits ou de leurs procédés représente un avantage indéniable pour améliorer non seulement leur performance environnementale, mais aussi leur performance financière.»