Par sa nature, le métier de comptable sera inévitablement transformé par l'intelligence artificielle. Qu'adviendra-t-il alors des professionnels qui travaillent dans ce domaine chaque jour ? Les comptables seront-ils à plus ou moins brève échéance remplacés par des robots ? État des lieux en cinq questions.

Qu'est-ce que l'intelligence artificielle en comptabilité ?

« Il n'existe pas de définition uniforme de ce que l'on veut dire exactement par intelligence artificielle », répond Mario Malouin, professeur invité en sciences comptables à l'Université du Québec en Outaouais (UQO). Une définition, selon lui, serait « l'habilité de réaliser une tâche complexe par quelqu'un de non humain ». La comptabilité est bien en train de migrer vers des solutions automatisées ou robotisées, mais il s'agit plutôt d'intelligence augmentée, selon le professeur Malouin. « Ce que l'on fait, c'est réduire l'intervention humaine », dit-il. Intelligence artificielle ou augmentée, peu importe, l'Ordre des CPA du Québec se montre très proactif, selon lui. Ce n'est pas un choix, toute profession doit s'adapter aux avancées technologiques. « Les espèces qui survivent sont celles qui s'adaptent », rappelle-t-il.

Un substitut au comptable ?

Quand on lui demande si l'intelligence artificielle risque de se substituer un jour au comptable, Eric Nguyen, directeur principal, Intelligence artificielle et analytique avancée chez Raymond Chabot Grant Thornton, répond : « L'intelligence artificielle n'est pas une technologie qui va remplacer le comptable, mais plutôt un outil d'aide à la prise de décision. » Par exemple, la réconciliation des transactions est une tâche ardue qui consomme temps et énergie. « Plus on fera appel à des données numérisées, plus le travail du comptable se fera efficacement », dit-il. « L'intelligence artificielle fera ce que l'on appelle le travail de moine, soit les tâches administratives », ajoute Geneviève Mottard, présidente et chef de la direction de l'Ordre des CPA du Québec. Mais elle ne se substituera pas au rôle-conseil que joue le comptable, selon elle.

Remplacer par un robot ou en devenir un ?

Dans sa dernière parution qui traite de l'intelligence artificielle, The Economist demande si l'avenir pour plusieurs comptables se résumera à être remplacés par un robot ou à être traités comme s'ils en étaient un. « Cette question ne nous interpelle pas vraiment », dit Geneviève Mottard. Le comptable est un maillon important du processus de la prise de décision et le demeurera, explique-t-elle. Par exemple, l'entreprise qui doit décider d'ouvrir une opération en Chine utilisera l'intelligence artificielle pour faire l'étude de marché. Mais c'est le comptable qui statuera sur les questions stratégiques telles que la maturité de l'entreprise et sa capacité de se financer. « Même que le moment est attrayant pour être un CPA, car celui-ci est de plus en plus appelé à jouer son vrai rôle de conseiller », dit Mme Mottard.

Aura-t-on trop de comptables ?

Selon les études démographiques menées par l'Ordre des CPA du Québec, rien n'indique que l'on se dirige vers une surabondance de comptables. « Dans l'ensemble de la profession, l'attrition naturelle par les départs à la retraite est importante et il n'y a pas suffisamment d'étudiants pour les remplacer », dit Geneviève Mottard. Il semble qu'il faudra compter sur l'immigration pour pourvoir tous les postes nécessaires, selon elle. Par ailleurs, une certaine menace pèse sur les comptables en entreprise, croit Mario Malouin. « Dans les entreprises, le service comptable est une fonction de support qui est constamment sous pression pour réduire ses coûts, d'où l'intérêt pour l'intelligence artificielle », dit le professeur de l'UQO.

Qu'est-ce qui changera dans la formation ?

Si la profession comptable est vouée à un avenir prometteur, elle devra néanmoins entreprendre une refonte majeure de sa grille de compétences afin de s'adapter à l'ère numérique, explique la présidente de l'Ordre des CPA du Québec. « Les comptables auront besoin de plus de compétences », dit-elle. Le comptable devra être de plus en plus multidisciplinaire, ajoute Eric Nguyen. « Par exemple, il devra savoir programmer », dit-il. « Son rôle consistera aussi à appuyer les industries qui cherchent à optimiser leur processus », ajoute-t-il. Les maisons d'enseignement devront préparer les aspirants comptables en conséquence. « À l'UQO, on est en contact en continu avec l'Ordre des CPA afin de définir ce que doit être le comptable et d'adapter nos cours en conséquence », assure Mario Malouin.