Le fabricant de toiles mécanisées Elcargo, basé à Saint-Hyacinthe, attend patiemment un changement de loi au Brésil qui pourrait lui ouvrir toutes grandes les portes de ce pays où des dizaines de milliers de camions auront besoin de ses produits spécialisés.

Quoi de neuf?

Si ses objectifs de ventes pour le Brésil se concrétisent, Elcargo pourrait bien connaître sa plus forte croissance depuis sa fondation en 2000. Le manufacturier de toiles mécanisées latérales destinées aux camions-remorques à bennes ouvertes, voire aux fardiers, s'y prépare. La PME investit actuellement dans l'informatisation de plusieurs de ses activités, cherche à augmenter sa productivité et à améliorer du coup son ratio coûts / bénéfices. À 65 ans, Réal Royer, président et fondateur a même trouvé le temps d'établir un plan de relève. Cet ancien camionneur du Témiscamingue ne veut évidemment pas mettre tous ses oeufs dans le même panier. Pendant qu'il prépare son entrée au pays de Pelé, il a mandaté une firme de marketing pour l'aider à développer son réseau de distributeurs en Amérique du Nord et en Europe.

L'élément déclencheur

Le hasard fait parfois bien les choses. Lauréat au niveau provincial au concours des PME de la Banque Nationale, Réal Royer a été invité par l'institution financière à une séance d'information sur les possibilités d'affaires au Brésil. Il y a fait la connaissance d'une étudiante de l'Université Laval dont le stage consistait, dans le cadre d'une mission commerciale organisée par son alma mater, à représenter une entreprise québécoise au Brésil.

«Je l'ai mandatée pour qu'elle se rende là-bas à titre exploratoire, raconte Réal Royer. À son retour, dans son rapport, elle nous a fortement recommandé de participer à Sao Paulo, à Fenatran, l'une des plus importantes foires commerciales de l'industrie du transport. C'est ce que nous avons fait.»

Sur place, le chef d'entreprise, accompagné de Jonathan Joyal, directeur des opérations et digne représentant de la relève, ont rencontré plusieurs entreprises de transport et quelques fabricants de toiles.

«Mais on a aussi appris qu'une nouvelle loi, qui devrait entrer en vigueur en 2016, obligera tous les camionneurs à recouvrir leur benne ouverte, dit le patron d'Elcargo. Juste pour le transport de la canne à sucre, environ 30 000 camions sillonnent les routes du Brésil. C'est sans compter les camions de céréales, de fruits, etc. C'est un marché énorme.»

Les astres semblent d'ailleurs bien alignés pour Elcargo. «En arrivant là-bas, on avait toutes les solutions qu'il leur fallait. On était leur sauveur. Il fallait modifier certains de nos produits, mais quand même», s'enthousiasme Réal Royer.

Toutefois, l'économie brésilienne tourne au ralenti ces temps-ci. Et l'application de la nouvelle loi pourrait vraisemblablement s'étendre sur quelques années. Réal Royer le sait pertinemment. Il met cependant toutes les chances de son côté.

Après avoir reçu en novembre 2014 le mandat de trouver une solution mécanisée pour recouvrir les bennes de cannes à sucre, la PME est retournée sur sa planche à dessin. En février 2015, Jonathan Joyal a séjourné au Brésil pour y présenter un prototype. «Les Brésiliens jubilaient», lance Réal Royer.

Elcargo met actuellement la touche finale à deux prototypes de toiles mécanisées qui seront exposés au prochain salon du transport de Sao Paulo. «On espère vraiment que, malgré le ralentissement économique, le salon va avoir lieu. Ce n'est pas assuré», s'inquiète l'entrepreneur.

Elcargo emploie 20 personnes. Son chiffre d'affaires avoisine les trois millions. La PME vise les 30 millions d'ici 10 ans. Sa croissance annuelle est de 15 %. Elle compte un réseau d'une douzaine de distributeurs-installateurs concentrés au Québec, en Ontario et dans les Maritimes. L'entreprise est activement à la recherche d'un distributeur/installateur dans l'ouest canadien.

La stratégie

S'il veut percer le marché brésilien, Réal Royer sait d'ores et déjà qu'il devra s'installer dans ce pays de 160 millions de personnes. «C'est un pays très protectionniste, dit-il. Les frais de douanes y sont incroyablement élevés. Ça peut représenter jusqu'à 80 % du prix initial.»

La PME québécoise a déjà identifié un partenaire avec qui elle désire faire équipe. Ce dernier est même venu visiter les installations d'Elcargo à Saint-Hyacinthe en 2014. «Nous devons absolument avoir des Brésiliens dans notre entreprise, sinon ce sera impossible d'aller de l'avant, prévient M. Royer. Il doit cependant y avoir un début d'intérêt de commercialisation. Nous devons avoir une confirmation d'ouverture de marché.»

Le design, de même que la recherche et le développement des nouveaux produits destinés au marché brésilien se feront au Québec. Il n'est pas exclu que certaines composantes soient également fabriquées dans la Belle Province. «Mais nous devrons créer une nouvelle entité là-bas, confirme Réal Royer. Au moins un employé québécois ira sur place superviser les activités.»

L'anecdote

Il ne faut jamais se fier aux apparences. Réal Royer était persuadé que le Brésil est un pays du tiers-monde où les possibilités d'affaires sont plutôt limitées. «Je m'étais trompé sur toute la ligne, dit-il. J'ai été impressionné par le niveau de développement là-bas. Ils ont construit en 15 ans ce que le Québec a mis 50 ans à construire. Mon partenaire d'affaires là-bas a une entreprise dix fois plus grosse que la mienne. Aussi, je pensais que le coût de la vie était bon marché. Sauf pour le prix du pétrole e d'autres produits qui sont sensiblement les mêmes qu'ici, c'est hors de prix tellement les frais de douanes sont exorbitants.»

En chiffres

5,5 milliards: valeur des échanges commerciaux entre le Québec et le Brésil.

Ce qu'on exporte là-bas: Papier journal, turboréacteurs et autres turbines, avions et produits en lien avec l'aéronautique.

Ce qu'on y importe: oxyde d'aluminium, sucres de cannes ou de betteraves, minerais d'aluminium.

Le Brésil est le 10e client du Québec et son 13e fournisseur à l'échelle mondiale.

Sources: Statistiques Canada, Institut de la Statistique du Québec, Ministère de l'Économie, de l'Innovation et des Exportations du Québec (2014)