Ainsi va l'épargne qui produit du rendement sans être imposée, ainsi va le compte d'épargne libre d'impôt (CELI). Depuis son lancement, en 2009, la popularité du compte d'épargne libre d'impôt ne se dément pas.

«Plus la population va vieillir, observe Angela Iermieri, de Desjardins, plus les sommes cotisées annuellement vont continuer d'augmenter à un rythme accéléré.»

Il y a un an, la planificatrice financière s'attendait à ce que ce mode d'épargne supplante le régime enregistré d'épargne retraite (REER). Elle maintient la même ligne de pensée.

«On voit de plus en plus de retraités opter pour cette option, fait-elle valoir. Deux raisons justifient leur choix. Soit qu'ils n'ont plus de revenus d'emploi et qu'ils ne peuvent plus cotiser à leur REER, soit qu'ils ont atteint l'âge de 71 ans et que le temps est venu de décaisser leur REER pour le transformer en FEER [fonds enregistré de revenu de retraite].»

Les statistiques semblent lui donner raison. En 2011, au pays, une somme colossale de 30 milliards a été déposée par les épargnants dans ces comptes d'épargne. En 2012, les dépôts ont atteint 33,5 milliards et en 2013, selon les données auxquelles Desjardins a eu accès, le cap des 40 milliards a été franchi.

Il faut toutefois faire une mise en contexte. Chaque année, des épargnants déposent dans leur CELI, mais ils en retirent également de fortes sommes.

«Nous n'avons pas les chiffres de 2014, convient la planificatrice financière, mais on peut déjà présumer qu'ils dépassent largement ceux de 2013. Le mouvement à la hausse se poursuit et il n'est pas près de ralentir.»

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Sylvain De Champlain est planificateur financier.

Augmenter ses revenus

David Truong, conseiller senior en planification financière à la Banque Nationale, reconnaît que le CELI a amené les épargnants à «revoir leur stratégie de placement» au cours des dernières années.

«Avant, précise-t-il, le REER, c'était tout. Sans négliger le régime d'épargne retraite, on dépose désormais une partie de ses économies dans le compte d'épargne pour augmenter ses revenus. Ces sommes procurent de nouvelles liquidités, aux retraités notamment, mais aussi aux plus jeunes qui ont des projets pour une maison, par exemple.»

Sylvain de Champlain, président de De Champlain Groupe financier, conseille fortement à ses clients de «mettre des CELI» dans leur coffre à outils parce que, dit-il, «c'est une bonne chose de diversifier ses sources de revenus».

«Ça constitue en même temps un coussin supplémentaire en vue de la retraite, soumet le planificateur financier. C'est de l'argent qui fait des intérêts sans qu'on ait à déclarer les gains au fisc. Le beau côté des choses, c'est qu'on peut se servir de ces économies accumulées pour rénover la maison ou réaliser des projets personnels.»

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David Truong, conseiller senior en planification financière à la Banque Nationale.

Viser de bons rendements

Jean-François Rémillard, conseiller en sécurité financière au groupe Mathieu Turgeon, concède qu'il y a encore un travail d'éducation à faire auprès des épargnants. Bien qu'ils soient plus familiarisés avec le CELI, certains ne savent pas trop comment le rentabiliser.

«Je leur dis d'abord qu'un CELI, ça ne s'achète pas, ça s'ouvre!», dit-il avec une pointe d'humour.

«Il faut savoir ce qu'on veut mettre dedans pour obtenir de bons rendements, dit-il. Il y a les dépôts à terme qui rapportent peu, mais il y a aussi les fonds communs, qui produisent de meilleurs rendements. Tout dépend de votre tolérance au risque.»

Denis Jacques invite ses clients à bien déterminer leurs besoins financiers avant de plonger dans l'aventure du CELI. «Je leur dis qu'ils ne devraient pas s'en servir pour payer l'épicerie, mais pour grossir leur épargne», relève le planificateur financier de la firme Éthika.

Il voit deux types d'épargnants. «Les plus jeunes, au début de la trentaine, ont tendance à retirer rapidement leur argent pour faire des achats pressants, mesure-t-il. Dans la mi-cinquantaine, on fait d'abord le plein de REER. Ensuite, on se tourne vers le CELI pour s'offrir du luxe.»

Miser sur l'avenir

Luc Lacombe, fiscaliste chez Raymond Chabot Grant Thornton, ne cache pas que cette mesure fiscale «est relativement coûteuse» pour le gouvernement fédéral, étant donné que les sommes investies dans le véhicule CELI, en progression constante, ne sont toujours pas imposables.

«Ce compte d'épargne est là pour rester, estime-t-il. Ça force l'épargne et ça fait l'affaire du gouvernement, au moment où on s'inquiète pour la santé financière des régimes de retraite.

«On parle beaucoup des avantages pour les épargnants, ajoute-t-il, mais il ne faut pas oublier les institutions financières, qui se voient confier des sommes considérables à gérer pour leurs clients. C'est une nouvelle manne et ça explique pourquoi les banques (et les caisses populaires) font de plus en plus la promotion du CELI.»

Par ailleurs, le fiscaliste ne serait pas surpris de voir le gouvernement de Stephen Harper bonifier cette mesure fiscale, en rehaussant la somme annuelle admissible plus tôt que prévu. «Il faudra voir ce qui se retrouvera dans le prochain budget du ministre des Finances», avance-t-il.

Le CELI en chiffres

5500$

La somme qu'on peut épargner annuellement

36 500$

La somme totale qu'on peut déposer si on n'a jamais cotisé (le CELI a été mis en place en 2009)

Source: Statistique Canada

Sommes versées dans un CELI (au Canada)

En 2011 : 30 milliards

En 2012: 33,5 milliards

En 2013: 40 milliards

Source: Statistique Canada