Le CELI gagne lentement en popularité. Souvent aux dépens du REER. Mais est-il bien utilisé? La tirelire à la queue en tire-bouchon est tiraillée entre deux auges: REER ou CELI?

Le CELI atteint sa quatrième année d'existence en 2012. Depuis 2009, 20 000$ en droits de cotisation ont été accumulés.

«Au 31 décembre 2010, la juste valeur marchande totale des actifs détenus dans les CELI s'établissait à plus de 40 milliards de dollars», indique Serge Paradis, porte-parole de l'Agence du revenu du Canada, citant les derniers chiffres compilés.

À la même date, un peu plus de 8,2 millions de comptes avaient été ouverts par 6,8 millions de personnes. Ces dernières y détenaient une valeur moyenne d'environ 5800$, alors que les droits de cotisation avaient atteint 10 000$.

Sachant que 24,5 millions de déclarations de revenus ont été produites, quelque 28% des contribuables canadiens ont donc profité de cet abri fiscal.

Le CELI gagne peu à peu en popularité. Selon un sondage réalisé en décembre dernier par la banque CIBC, et dont les résultats ont été rendus publics le 31 janvier, 39% des contribuables canadiens ont l'intention d'investir dans un CELI en 2012.

Pour leur part, les Québécois prévoient cotiser à leur CELI en proportion de 29%. Toutefois, le quart d'entre eux envisage ne cotiser qu'au REER, de loin la plus forte proportion au Canada.

Car il est difficile de parler de CELI sans évoquer au passage son grand frère... et concurrent.

«Ce n'est pas parce qu'on crée des CELI que les gens peuvent épargner davantage, fait valoir le planificateur financier et comptable agréé Éric Brassard, conseiller en placements auprès de Valeurs mobilières DWM et de Brassard Goulet Yargeau Services Financiers Intégrés. On sait tous que c'est un cadeau aux riches. Les plus pauvres en ont déjà plein les bras avec l'épargne études, les bonnes et mauvaises dettes et leur REER. Ceux qui ont rempli leur CELI sont ceux qui en avaient le moins besoin.»

Pour les contribuables qui n'ont pas cette bonne fortune, il faudra faire un choix. Ou utiliser le CELI autrement.

À quoi sert le CELI?

À quel usage les contribuables destinent-ils leur compte CELI?

«Je vois beaucoup de gens qui s'en servent pour la bonne raison: ils ont de l'épargne non enregistrée et il la mette à l'abri de l'impôt pour le futur, indique Richard La Ferrière, chef de région, Planification financière pour le Québec, TD Waterhouse. C'était l'objectif de départ du CELI.»

C'est notamment le cas des retraités âgés qui ne peuvent plus cotiser à leur REER, et qui transfèrent dans un CELI leurs épargnes non enregistrées.

Mais plusieurs se servent du CELI comme compte d'épargne à court ou moyen terme, pour le financement de projets divers, laissant au REER la responsabilité des épargnes à long terme pour la retraite.

«Nous notons une importante augmentation des retraits en 2011, sans toutefois pouvoir la quantifier, signale Francine Blackburn, porte-parole de Desjardins.

Il est vrai que le CELI existe depuis quatre ans et que les montants accumulés deviennent plus intéressants.»

Cependant, précise-t-elle, «nous n'avons aucun indice pour savoir à quoi sert l'argent retiré du CELI».

Et à quoi devrait-il servir?

«Quelqu'un qui s'en sert comme compte de banque pour liquidités excédentaires temporaires, pourquoi pas... mais ce n'est pas l'usage optimal», fait valoir Éric Brassard.

Mieux vaut y déposer ses épargnes à court terme que de laisser cet abri fiscal inoccupé. «Tant qu'à ne rien faire, oui, on le met dans le CELI, poursuit-il. Mais 5000$ à 1% d'intérêt, c'est un rendement de 50$ par année, et avec un taux d'imposition de 40%, on économise 20$ d'impôt.»

On économisera davantage en se privant de 10 cafés durant l'année.

«Le vrai usage du CELI, dit-il, serait de l'utiliser pour un usage à long terme.»

Tout comme le REER.

Ils sont en fait complémentaires. Dans l'idéal, on ne devrait pas les considérer indépendamment, ni leur attribuer un profil d'investisseur distinct.

«L'argent vient de la même poche, insiste Éric Brassard. Il faut un profil global.»

Dans cette optique d'ensemble, et «toute chose étant égale par ailleurs», insiste-t-il, le REER recevra la partie la plus conservatrice du portefeuille, c'est-à-dire les investissements les moins susceptibles de croître. Pourquoi?

Les retraits du REER seront imposés, mais pas ceux du CELI. On préférera donc concentrer dans le REER les actifs qui produiront au retrait une moindre facture fiscale.

Le CELI accueillera de son côté les actifs les plus agressifs, qui sur une période suffisamment longue, devraient produire un rendement supérieur.

Le commun des mortels, cependant, a rarement le luxe du temps.