En dépit de la « levée de boucliers » qu'a suscitée sa prise de position au sein de l'Union des producteurs agricoles (UPA), le ministre québécois de l'Agriculture, Pierre Paradis, maintient qu'il faut « élargir la discussion » et « impliquer les consommateurs » dans l'élaboration de la politique de « sécurité alimentaire » du gouvernement Couillard.

« C'est un virage majeur qui va bientôt s'amorcer, explique-t-il en entrevue à La Presse Affaires. Je veux que les consommateurs, qui sont les premiers concernés et qui recherchent notamment des circuits courts [moins d'intermédiaires entre le producteur et le consommateur], aient leur mot à dire sur les OGM, l'agriculture biologique, ou encore le bien-être animal. »

« Jusqu'à présent, ajoute-t-il, ils se sont toujours fait dire par les producteurs et les transformateurs quoi manger, et comment. C'est terminé. Il faut qu'on leur donne le choix de s'exprimer. »

Il concède que cette approche favorisant une multiplicité des points de vue ne fait pas l'unanimité dans les « milieux traditionnels » de l'agriculture québécoise.

« On est rendus au XXIe siècle et il faut aller de l'avant avec de nouvelles initiatives. Il faut que les acteurs de l'industrie réalisent que c'est payant, que c'est rentable, de tenir compte des besoins et des attentes de ceux qui consomment leurs produits quotidiennement. » - Pierre Paradis, ministre de l'Agriculture

Il rappelle, au passage, que lors du dernier congrès de l'UPA, en décembre dernier, le président général de l'Union, Marcel Groleau, ne s'est pas montré très chaud à l'idée d'inviter les consommateurs dans le débat « alimentaire ».

RELATIONS AVEC LES FÉDÉRATIONS

Le ministre se dit néanmoins conscient que sa façon de voir l'agriculture peut « déranger » et remettre en question des « acquis ». « Mais je veux qu'on sache que je ne suis pas en chicane avec les producteurs, tient-il à préciser. D'ailleurs, mes relations sont au beau fixe avec les fédérations membres de l'Union des producteurs agricoles. »

Avec une pointe de satisfaction teintée d'ironie, il rappelle que le premier ministre Philippe Couillard a dit à son sujet qu'il était « aimé » par les producteurs.

Rappelons qu'il y a un mois, l'UPA a réclamé la tête du ministre de l'Agriculture en faisant valoir, en vain, qu'il avait versé des subventions de 55 000 $, à même son enveloppe discrétionnaire, à l'Union paysanne et au Conseil des entrepreneurs agricoles.

« Je ne veux pas m'embarquer dans ces affaires-là », oppose le député de Shefford.

L'EXEMPLE DU VERMONT

En poste depuis deux ans, Pierre Paradis soutient avoir réussi à bien manoeuvrer pour faire avancer la cause de l'industrie agroalimentaire au Québec.

« Il y avait du redressement à faire, notamment à la Financière agricole du Québec, analyse-t-il. Le ministère de l'Agriculture était le plus mal géré de tous les ministères. C'est chose du passé. Nous passons en mode investissement. »

Le ministre estime que « ça va bien dans le porc, le poulet, les oeufs de consommation, et même dans le sirop d'érable, qui a ajouté 5 millions d'entailles pour augmenter sa production ».

Il ne cache pas, cependant, que de nombreux enjeux demeurent. Il reconnaît, entre autres, que les producteurs de lait sont aux prises avec les importations américaines de lait diafiltré.

Il est par ailleurs en train de rédiger le « texte final » en vue d'une loi sur les OGM qu'il souhaite faire adopter « dans les meilleurs délais ».

« On ne peut rester inactif sur cette question. Les consommateurs veulent savoir ce qu'ils mangent. » - Pierre Paradis

Sur cette question, il dit avoir reçu une « aide exceptionnelle » du Vermont, qui a pris les devants en la matière.

UNE POLITIQUE DE... SÉCURITÉ ALIMENTAIRE

À plus court terme, il se prépare à rencontrer tous les acteurs de l'industrie agroalimentaire lors du Sommet de l'alimentation qui réunira les producteurs agricoles, les transformateurs, les distributeurs alimentaires et les consommateurs.

« Nous voulons consulter ces groupes en quatre phases, précise le ministre. Il y aura des rencontres à Montréal, mais aussi dans d'autres villes, peut-être Saint-Hyacinthe et assurément Québec. » Il assure que le calendrier en vue de la tenue de cette vaste consultation « qui s'étalera dans le temps » est déjà complété, mais il ne veut pas donner de date précise.