En discussions avec les plus importants constructeurs aéronautiques mondiaux, Avianor a dû se résoudre à mettre de côté son projet de centre de recyclage des aéronefs. La firme de Mirabel, qui se spécialise dans la déconstruction d'avions, ne parvient pas à trouver de partenaire capable de prendre en charge le recyclage des pièces.

Pourtant, l'objectif d'Avianor est ambitieux. L'entreprise veut mettre sur pied un centre mondial de déconstruction et revalorisation des vieux aéronefs. Les grands constructeurs, comme Airbus et Boeing, sont intéressés par un tel projet. Avec leurs programmes respectifs Pamela et AFRA, les deux mastodontes visent à recycler près de 95% de leurs appareils en fin de vie.

Le président et fondateur d'Avianor, Sylvain Savard, a rencontré les deux entreprises. «Airbus veut disposer de plusieurs centres de démontage partout sur la planète», explique M. Savard, qui compte bien convaincre l'avionneur européen d'en utiliser un au Canada.

Avianor caresse aussi un projet novateur avec l'autre grand constructeur mondial. «Boeing nous a signifié son intérêt pour lancer avec nous un centre de recyclage de métaux non ferreux», dévoile M. Savard.

Forte de ces contacts avancés, Avianor s'est déjà lancée dans la déconstruction d'avions. Depuis deux ans, deux Airbus A310 et un Airbus A320 sont passés entre les mains des employés de la firme de Mirabel. Et de nouveaux appareils s'apprêtent à être démontés. Sylvain Savard préfère taire le nom des avions visés. «Il y aura un Airbus et un Boeing», souffle-t-il. Et il s'agira de modèles différents de ceux déjà déconstruits, précise-t-il. Avianor compte ainsi élargir son expérience en démontage d'avions en fin de vie.

Malgré l'intérêt des plus grands joueurs mondiaux, le démontage des aéronefs ne donne pas encore lieu à la deuxième étape, celle du recyclage des composants, regrette Sylvain Savard. «Les discussions sont arrêtées, ajoute M. Savard. Il manque un partenaire d'envergure pour le recyclage.»

L'entreprise de Mirabel a interrompu ses recherches d'un tel partenaire «par manque de ressources, précise M. Savard. C'est facile de démonter un avion. Mais si on veut recycler les matériaux, il faut être capable d'acheter l'avion, de le démonter, de revendre les pièces... Seul un spécialiste peut séparer les matériaux et leur trouver un marché. Et il faut aussi qu'il dispose des fonds nécessaires pour cet investissement.»

Pourtant, la firme des Laurentides reste très intéressée par un tel projet. «Cela soutiendrait nos activités actuelles, explique M. Savard. Nous avons une division de vente de pièces et un entrepôt de 100 000 pi2 qui déborde de pièces d'avions. On en tirerait une source importante de pièces, ce serait bon pour notre entreprise.»

Quand les propriétaires d'avions reculent devant le recyclage

Sur le marché du recyclage, les acteurs importants utilisent des stratégies opposées. Devant les exigences des règlementations européennes et américaines, les constructeurs aéronautiques n'ont pas le choix de concevoir des aéronefs recyclables à l'horizon 2020. «Les normes européennes sont très claires: les constructeurs devront être capables de recycler l'avion qu'ils fabriquent», souligne Sylvain Savard, PDG d'Avianor. Boeing et Airbus ont déjà affiché leurs objectifs de recycler jusqu'à 95% des pièces composant leurs avions. À l'opposé, les propriétaires d'avions ne se pressent pas pour recycler leurs aéronefs. Ils préfèrent même les laisser stationnés dans les cimetières d'avions, comme dans certains déserts américains. «Nous avons découvert cela en travaillant sur notre projet de recyclage, révèle Sylvain Savard. Ces avions n'ont plus de valeur marchande, mais ils conservent une haute valeur dans les livres comptables de leurs propriétaires.» Et ceux-ci refusent d'enregistrer la perte de valeur comptable, rendue inévitable s'ils se départissaient de leurs aéronefs. «Ils savent qu'on leur donnerait peu d'argent pour les pièces. Quand on additionne les pertes à enregistrer pour plusieurs avions, l'impact serait énorme.»