Au milieu des années 2000, ça n'allait pas trop fort pour deux des grands avionneurs de rang mondial, Boeing et Airbus.

Oui, ils vendaient des gros-porteurs, mais non, ils ne faisaient pas de profit. Les coûts escaladaient terriblement et les méthodes de gestion étaient si engorgées que le programme du A380 accusait, en 2006, deux ans de retard!

La même année Airbus annonce une décision radicale: éliminer 80% des fournisseurs directs et ne garder pour l'A380 que les intégrateurs!

En ne conservant que les fournisseurs de rang 1, Airbus prévoyait des économies de 1,9 milliard US sur trois ans, sans compter les 450 millions US de frais d'administration éliminés. Pour le programme de l'A350, il ne resterait que 90 fournisseurs de premier rang.

Airbus s'est cramponné à ce plan de vol et sa gestion a recouvré la santé.

La cure d'amincissement a amené les autres avionneurs à interroger leur propre gestion des fournisseurs et à s'aligner sur des stratégies parentes. Ne faire affaire qu'avec les fournisseurs de premier plan et laisser ces derniers négocier avec la pléthore de sous-traitants hyperspécialisés.

Chez Bombardier on a retrouvé la ligne minceur. «Là où nous avions 200 fournisseurs de petites pièces métalliques, nous n'en avons plus que 40», explique Janice Davis, vice-présidente, approvisionnement.

Il s'agit pour l'avionneur de se désengluer des détails de conception et de les laisser aux fournisseurs de premier rang tout en leur donnant des directives précises et un cahier de charges bien documenté.

De fabricant à concepteur

Les fournisseurs ont eu un moment de frayeur. Allaient-ils perdre leur gros client?

À Montréal on a craint aussi pour des pertes d'emplois. Mais ce n'est pas l'avis de Mme Davis. «Au contraire, quand un simple fabricant sur devis décide de devenir un véritable intégrateur, de participer à la conception de l'unité qu'il s'engage à créer, il va embaucher davantage de personnel de R&D, plus de spécialistes de la chaîne d'approvisionnement pour dénicher ses propres fournisseurs et les qualifier et, bien sûr, plus de travailleurs sur sa chaîne de production», dit-elle.

Qui veut se lancer dans l'aventure? Éric Faucher, PDG de Marquez Transtech, à Montréal, répond «Présent!».

«Tout d'abord parce que si nous restons simples fabricants sur devis, nous ne pourrons pas rivaliser avec les salaires mexicains et autres, dit-il. Il faut grimper dans la chaîne ou s'attendre à de gros ennuis.»

Marquez profite de la transition actuelle pour tenter de devenir un intégrateur et offrir des cabines de pilotage complètes et des systèmes complets de conduits d'air.

Solutions innovatrices

«Le gros avantage que nous avons sur les pays en développement c'est nos réseaux de recherche et développement, nos relations étroites avec les instituts de recherche et les grandes écoles d'ingénierie. Nous pourrons offrir des solutions innovatrices aux avionneurs, des cabines plus légères, par exemple ou des conduits plus efficaces parce que fondées sur des matériaux composites de pointe.»

On n'a pas besoin d'être grand devin pour saisir que la mondialisation force cette réécriture de l'équation.

Les prochains concurrents de Bombardier seront peut-être durs à battre sur le terrain salarial, mais il faudra les attaquer sur les dimensions qualité, les temps de réaction, l'innovation et les coûts totaux pour le transporteur.

Les intégrateurs seront des alliés indispensables dans cette prochaine bataille.

Photo: Ivanoh Demers, La Presse

Janice Davis