Hypothèse: un beau matin, vous vous réveillez mort.

Quelles seront les répercussions sur vos proches et héritiers? C'est ici que l'assurance vie et la planification successorale se rencontrent.

«L'assurance vie a deux rôles, protection et placement successoral», résume Éric Brassard, planificateur financier et conseiller en placements chez Brassard Goulet Yargeau, Services financiers intégrés.

Une certaine confusion règne à ce propos, observe-t-il, tant chez les conseillers que chez les clients. Dépatouillons tout ça.

Assurance vie de protection

Avec l'assurance vie de protection, on gère un risque, décrit Éric Brassard. «Si je meurs, est-ce que je laisse quelqu'un en difficulté? L'objectif est de faire du remplacement de revenu. On veut maintenir le coût de vie des gens qui dépendent de nous.»

L'instrument de prédilection est alors l'assurance vie temporaire, avec une police qui échoit le plus souvent après 10 ou 20 ans. Vous mourrez durant la période de validité? Le bénéficiaire de la police touche le capital-décès (la prestation de décès). Vous mourrez le lendemain de l'échéance de 10 ans? Si elle n'a pas été renouvelée, la police est caduque. Pas un sou ne sera versé au bénéficiaire (qui dès lors n'en est plus un).

L'assurance vie temporaire de protection est assimilable à une assurance habitation: on paie pour se prémunir contre un risque, en espérant que le plus sinistre des sinistres ne surviendra pas. Pas bientôt, du moins.

Comme le rappelle Éric Brassard, la prime d'une assurance vie temporaire constitue un coût. Si vous n'avez pas la chance de mourir durant le terme de la police, vos primes ne vous ont rien rapporté. Mais l'objectif n'était pas la rentabilité.

L'assurance vie comme placement successoral

«L'assurance vie a un autre rôle: celui de placement successoral», énonce Éric Brassard.

Cet objectif s'appuie cette fois sur l'assurance vie permanente: le capital-décès sera versé tôt ou tard (l'assuré préfère le deuxième cas), car la police n'a pas d'échéance.

«À l'état pur, indique Éric Brassard, l'assurance vie permanente est rentable.»

Pas pour le défunt, bien sûr, mais pour son patrimoine. Le planificateur donne l'exemple de la forme la plus simple, l'assurance temporaire 100 ans, qui malgré son nom, demeure en vigueur si l'assuré devient centenaire. Une police de 2 millions de dollars est souscrite par un couple de 50 ans, pour une prime annuelle de 16 765$. Si le second décès survient à 90 ans, le rendement des primes en regard du capital-décès s'établit encore à 4,76% par année. Cette police équivaut à un placement dont on ignore l'échéance et dont les primes représentent l'investissement.

«On ne peut pas affirmer que ça bat les actions, un placement immobilier bien géré ou une entreprise bien gérée, mais ça bat sûrement la partie pépère d'un portefeuille», fait valoir Éric Brassard.

Néanmoins, le versement des primes, concentré ou étalé, nécessite d'y consacrer un capital plus ou moins important. Le fruit de cet investissement - le capital-décès - ne sera pas touché du vivant du souscripteur. C'est pourquoi cette assurance s'adresse aux personnes qui ont déjà réglé la question du financement de leur retraite et qui bénéficient d'un excédent de fonds.

Dans cette optique de planification successorale, la question de l'assurance vie doit être considérée de concert avec un planificateur financier compétent qui conserve une vision d'ensemble des objectifs du client.

1. Pour s'assurer de comprendre (un peu)

Assurance vie temporaire

Assurance valide pour une période limitée, généralement 5, 10 ou 20 ans (T5, T10, T20). Destinée à la protection des proches contre les conséquences d'un décès.

Assurance vie permanente

Police en vigueur jusqu'à la mort de l'assuré. Répond notamment à des objectifs successoraux.

Assurance temporaire 100 ans: formule simple, capital-décès défini et primes fixes.

Assurance vie entière: comporte le plus souvent une valeur de rachat, sa rentabilité s'appuie sur des participations.

Assurance vie universelle: comporte une portion assurance et une portion placement.

2. L'assurance vie comme outil

Deux exemples classiques d'utilisation de l'assurance vie avec des objectifs successoraux.

L'assurance vie comme outil fiscal

Feue Mme Rosie A. Laflamme s'est éteinte récemment dans un foyer pour personnes âgées. Elle a légué à son fils le petit immeuble locatif qu'elle détenait. Il fallait toutefois acquitter un important impôt sur le gain en capital réalisé sur l'immeuble en date de son décès. Mais la maman avait pris la précaution de souscrire une assurance vie permanente au nom de fiston Laflamme, pour qu'il puisse satisfaire le fisc sans flamber ses économies ou se départir de l'immeuble.

L'assurance vie pour équilibrer les legs

Tristan Macchabée est propriétaire d'un petit salon funéraire. Seul l'aîné de ses trois enfants est intéressé à prendre la relève lorsque M. Macchabée deviendra son propre client. C'est donc à l'aîné qu'il léguera le commerce, mais il a souscrit aux noms des deux cadets des assurances vies permanentes qui égaliseront les legs et enterreront les différends.

3. La note de la notaire

«Il ne faut jamais que la fiscalité nous dicte nos legs», énonce la notaire Guylaine Lafleur, du cabinet de planification financière Bachand Lafleur Groupe conseil.

Un client qui était venu la consulter s'était fait dire par un autre conseiller qu'il ne devait pas léguer ses REER à ses enfants d'une première union, mais plutôt à sa conjointe actuelle, pour reporter l'impôt. «Mais son but n'était pas du tout de léguer à sa nouvelle conjointe, qui avait suffisamment d'argent!», commente Me Lafleur.

Reformulons l'énoncé de principe: on tendra à léguer au conjoint survivant les biens qui bénéficient ainsi d'un report fiscal... «dans la mesure où on respecte la volonté de legs». C'est le cas par exemple des REER, des immeubles locatifs, des résidences secondaires. Le conjoint survivant en hérite en franchise d'impôt, à sa charge de payer la facture fiscale quand il en disposera ou à son propre décès.

4. Vrai ou faux?

La prestation de décès de l'assurance vie est imposable.

Faux. «C'est un abri fiscal, indique Éric Brassard. Il n'y a rien d'imposable quand j'encaisse le capital-décès d'une assurance vie.»

Le conjoint est la seule personne qui peut bénéficier d'un roulement fiscal lors d'un legs.

Vrai. Mais il y a quelques nuances. Pour les enfants mineurs à charge, «on peut prendre les REER et acheter des rentes qui vont leur être versées jusqu'à 18 ans», souligne Me Guylaine Lafleur. Certaines exceptions s'appliquent également aux personnes handicapées.