Après l'installation de 4000 MW en près d'une décennie, la filière éolienne du Québec devrait connaître un ralentissement du développement de sa capacité au cours des prochaines années.

Le gouvernement du Québec, qui vient de lancer le 4e et dernier appel d'offres de la Stratégie énergétique 2006-2015, a confirmé qu'aucun autre appel d'offres sur l'éolien ne serait lancé d'ici 2016. Le ministre québécois de l'Énergie et des Ressources naturelles, Pierre Arcand, a par ailleurs annoncé la mise sur pied d'un groupe de travail afin d'analyser l'avenir de l'éolien dans la province.

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Développer l'expertise

«Afin d'assurer la pérennité de l'industrie, il faut maintenant aider les entreprises à développer leur expertise et leurs produits afin qu'elles augmentent leurs exportations et leur capacité à répondre à des besoins spécifiques. Voilà quel sera le mandat du groupe de travail», a détaillé le ministre.

Guy Painchaud, président d'Éolectric, prévoit une «traversée du désert» au cours des cinq prochaines années. «Je m'attends à ce que ce soit très tranquille, avec un niveau minimal d'activités. Il y a des actifs que nous allons garder en dormance jusqu'à la prochaine opportunité.»

En prévision de cette décroissance, l'entreprise de Brossard, promoteur de parcs éoliens, a développé de nouveaux marchés afin de réduire sa dépendance à celui, «hautement politisé», du Québec.

Éolectric est depuis quelques années présente au Nouveau-Brunswick, en Alberta, en Ontario et au Mexique.

Les entreprises n'ont d'autre choix que d'adopter de nouvelles stratégies, note Guy Painchaud: «Certaines se tournent vers de nouveaux marchés, d'autres favorisent de nouvelles technologies et d'autres, finalement, réduisent leurs activités.»

Une base pour s'appuyer

Chez Innergex, promoteur éolien impliqué dans l'installation de sept parcs, on se dit optimiste tout en soulignant qu'il faut considérer que la filière est jeune comparativement à la concurrence européenne.

«Alors de là à dire: «Voilà, vous êtes grands! Partez conquérir le monde! " Ce ne serait pas souhaitable», dit Michel Letellier, PDG de l'entreprise s'intéresse également à l' hydroélectricité et à l'énergie solaire.

S'il n'est plus nécessaire de lancer des parcs de 2000 MW pour assurer la survie de l'industrie, «il est important de maintenir un minimum d'activités sur une longue période afin de permettre d'avoir une base sur laquelle les entreprises du Québec peuvent s'appuyer pour développer à l'extérieur», dit-il, ajoutant que le Québec est un marché naturel.

La rentabilité de la production éolienne est remise en question depuis quelque temps en raison du développement de la filière nord-américaine du gaz de schiste et des surplus énergétiques d'Hydro-Québec.

«Le contexte n'est plus le même», concède Frédéric Côté, directeur général du TechnoCentre éolien, organisation qui soutient le développement de l'industrie au Québec. «Il y a 10 ans, Hydro-Québec prévoyait des problèmes d'approvisionnement à moyen terme, ce qui n'est plus le cas aujourd'hui.»

Il ne faudrait toutefois pas sacrifier l'éolien à cause de prévisions à court terme, laisse-t-il entendre. L'éolien est une filière prometteuse, avantageuse sur le plan environnemental, dont les bases sont maintenant établies dans la province, précise-t-il.

«Il va falloir réussir à doser tout cela pour préserver l'intérêt des entreprises et maintenir le secteur manufacturier sur le territoire québécois», dit-il.

Par ailleurs, il s'attend à «un avenir avec moins de mégawatts que ce que nous avons connu dans les dernières années».

Maintenir la capacité

Au Québec, le secteur emploie plus de 5000 personnes, dont environ 1200 dans la péninsule gaspésienne. La région de Montréal accueille pour sa part plus de 1000 travailleurs, ce qui en fait un important centre en Amérique du Nord.

«La filière éolienne n'est pas un puits sans fond», ajoute Frédéric Côté du TechnoCentre éolien.

Vers la moitié des années 2020, la capacité installée sera notable et un cycle de rééquipement débutera. «Il ne sera plus question d'installer de la capacité, mais de la maintenir, ce qui stimulera les affaires et la production locale. La stratégie est de se rendre à cette étape.»