Après avoir perdu des dizaines de sièges sociaux depuis les années 70, Montréal repart à la chasse aux investissements étrangers. Sans négliger ses jeunes entreprises, qui constituent l'avenir économique de la métropole.

Les autorités municipales misent gros sur la signature de l'accord de libre-échange avec l'Europe et la création de l'organisme Investissement Montréal (IM) pour attirer de nouveaux sièges sociaux dans la métropole. Un pari réaliste?

En entrevue à La Presse, le maire Denis Coderre dit se donner un maximum de deux ans pour créer IM. Il s'agira d'une sorte de guichet unique destiné aux entreprises intéressées par un investissement dans la métropole, «mais avec un pouvoir décisionnel qui s'y rattache». Ce nouvel organisme visera aussi à empêcher le départ de sociétés déjà implantées ici.

«Tu as déjà Investissement Québec, mais on veut avoir une marge de manoeuvre et des outils financiers qui vont nous permettre non seulement de se protéger contre les Memphis de ce monde qui vont chercher les Electrolux, mais aussi d'avoir une capacité d'aller chercher et de proposer des packages montréalais ailleurs dans le monde, dit le maire. Ça peut nous aider énormément à créer cette richesse.»

Des investissements en hausse

Montréal a perdu certains employeurs d'envergure au cours des dernières décennies. Le nombre de sièges sociaux des 500 plus grandes sociétés canadiennes est ainsi passé de 96 à 81 dans la métropole depuis 1990, un glissement de 19,2% à 16,2% des parts globales, selon une étude de l'Institut Fraser. Par tranche de 100 000 habitants, Montréal compte aujourd'hui 2,1 sièges sociaux, contre 6 pour Calgary.

Or, la tendance récente des investissements étrangers à Montréal - avec les emplois qui s'y rattachent - est positive. La valeur des projets attirés ici par l'organisme Montréal International l'an dernier a atteint 1,3 milliard, «un record» qui n'est toutefois «pas répétable à court terme», dit Dominique Anglade, PDG de l'organisme.

La dirigeante, arrivée en poste en 2013, a des cibles ambitieuses pour les prochaines années. «Bon an, mal an, on a de 600 à 700 millions d'investissements directs étrangers à Montréal. L'objectif est de doubler ça d'ici les quatre prochaines années. Moi, je dirais tripler, mais je n'ai pas le droit de le dire, sinon mon président et mon vice-président vont s'évanouir...»

Dominique Anglade souligne que Montréal se retrouve beaucoup plus souvent qu'on le pense sur la short list des multinationales qui veulent s'implanter en Amérique du Nord. Son équipe a analysé tous les projets pressentis depuis cinq ans, pour réaliser que la métropole était choisie six fois sur dix. Dans trois cas sur dix, le projet tombait à l'eau en raison de «facteurs externes», alors que le manque d'attractivité de Montréal était seulement cité une fois sur dix, affirme l'organisme.

Outre les secteurs connus de l'aéronautique et des biotechnologies, Montréal International mise surtout sur les technologies de l'information et des communications (TIC) pour assurer la prospérité future de la ville. Ce segment représentera au moins 60% des investissements au cours des prochaines années, estime l'organisme.

Regard vers l'Europe

La conclusion récente d'un accord de libre-échange entre le Canada et l'Union européenne fait aussi saliver la communauté d'affaires. Plusieurs voient Montréal devenir le point d'entrée au pays pour nombre de sociétés européennes. Des discussions concrètes ont même lieu en ce moment en vue d'installer ici des sièges sociaux européens, affirme le ministre responsable de la métropole, Robert Poëti, qui refuse de donner des détails.

Même son de cloche chez Denis Coderre, qui voit Montréal comme une «plaque tournante» idéale pour les firmes européennes. Le futur organisme IM - qui doit être créé dans la foulée de la nouvelle loi sur le statut de métropole, toujours en négociations avec Québec - agira comme catalyseur dans ce dossier, avance-t-il.

Déjà, à la mi-septembre, un groupe français d'édition de logiciels, Berger-Levrault International, a annoncé l'installation de son siège social nord-américain dans la métropole québécoise. Montréal «représente le tremplin idéal pour séduire les marchés nord-américain et international», fait valoir Pierre-Marie Lehucher, directeur général du groupe qui emploie déjà 70 personnes dans la région.

L'administration Coderre a fait bien des mécontents avec sa réforme administrative, qui rapatriera certains pouvoirs à la ville centre, en plus de répartir de façon différente la dotation de chaque arrondissement. Outremont, tout comme Anjou, laisse entrevoir des référendums sur une éventuelle défusion. Une éventualité écartée du revers de la main par Denis Coderre. «Est-ce que j'ai l'air de faire un psychodrame? Il n'y en aura pas de défusions, les gens ne veulent pas se défusionner. On est ailleurs. On est en train de se donner une ville. On va faire le débat décemment, et il n'y a personne qui va se défusionner, même le gouvernement du Québec est clair là-dessus.»