Huit rencontres avec des gens d'affaires qui se dépassent et font autrement, souvent dans des sphères extérieures à leur champ d'activités principal. Simplement pour accomplir quelque chose de plus. Pour eux, pour d'autres, pour nous tous.

Ubisoft et Yannis Mallat ont découvert Montréal en même temps, mais chacun de leur côté.

«Les gens qui ont fondé Ubisoft à Montréal en 1997, je ne les connaissais pas à l'époque, narre le Français d'origine. Je suis arrivé à Montréal exactement le même jour, ai-je appris par la suite, le 5 mai 1997, à Mirabel.»

Il faudra encore trois ans avant qu'un destin facétieux ne confonde leurs chemins à nouveau.

En fait, à moins de concevoir un jeu vidéo de production agricole, rien n'avait prédisposé Yannis Mallat à diriger ce qui est peut-être le plus important studio de conception de jeux vidéo de la planète.

«Je travaillais dans quelque chose qui était aux antipodes du jeu vidéo, explique-t-il: j'ai fait mes études en agroéconomie internationale.»

Il avait choisi cette voie à 17 ans, séduit par l'Afrique de l'Ouest où il avait suivi sa mère diplomate. Il y retournera pour travailler trois ans au sein d'une organisation non gouvernementale.

Puis il lui a fallu faire son service militaire, ce qui l'a amené sous un tout autre climat. «Si on se démenait un peu, on pouvait transformer un service militaire en service civil, raconte-t-il. Je suis tombé comme ça sur un projet qui m'a conduit à Québec, où j'ai vécu 16 mois. Je suis tombé amoureux de ce pays-là.»

Pour étoffer ce qu'il appelle un «curriculum vitae peut-être un peu différent», il complète ensuite un MBA à HEC Montréal. En 2000, il est engagé chez Ubisoft comme producteur.

Au coeur de Montréal

Ubisoft Montréal est installé au coeur du Mile End, dans une ancienne usine de textile dont le cachet le dispute à la vétusté.

La plupart des étages sont interdits aux visiteurs: les productions en cours sont protégées comme des secrets militaires. La seule section accessible est celle du nouveau jeu Watch Dogs, dont le lancement est prévu le 27 mai. Les femmes y sont aussi rares qu'au dernier conclave.

À 32 ans, en 2006, Yannis Mallat a pris la direction d'une entreprise qui employait alors quelque 1500 personnes. Huit ans plus tard, le studio montréalais compte 2600 employés - âge moyen de 33 ans. Yannis Mallat, lui, a dorénavant franchi la terrible frontière de la quarantaine, qui, comme chacun sait, sépare les jeunes des vieillards. Est-ce qu'il faut être jeune pour diriger un studio de jeux vidéo? «Il faut s'entourer de jeunes et rester jeune dans sa tête», répond-il.

Au mur de son bureau, un écran géant lui permet de tester les produits de son studio. Le diplômé en agroéconomie assure avoir toujours été amateur de jeux vidéo.

La voix douce, Yannis Mallat n'aime pas se donner en exemple ou se mettre en avant. Il réfute l'idée qu'il ait pu donner une marque très personnelle à Ubisoft Montréal.

«Je dirais par contre que je me suis assuré que la marque des créateurs s'imprime au studio, dit-il. Je considère, et c'est ma vision, que nous sommes dans une industrie de talents, et que ces talents, les gens dans les équipes, doivent être ceux que l'on "suit". Et pour ce faire, il faut leur donner un environnement de création, propice à leur créativité, à leur dépassement.»

Or, Montréal est une part essentielle de cet environnement.

«Les meilleures équipes de créatifs sont celles qui sont ouvertes sur l'extérieur, celles qui s'imprègnent justement, par exemple, de ce que Montréal a à donner.»

L'équipe de production du jeu Child of Light s'est ainsi associée à Coeur de pirate pour écrire la bande sonore du jeu, et au Cirque du Soleil pour peaufiner ses chorégraphies.

«Ce sont des choses qu'on ne retrouve pas ailleurs et que seule Ubisoft Montréal, à Montréal, grâce à Montréal, peut offrir, et ça fait vraiment une grosse différence.»

Montréal et Ubisoft - et peut-être aussi Yannis Mallat - ont en commun d'avoir eu, dès leur fondation, une même «envie de se prouver». Un objectif jamais parfaitement atteint. «Ce qui est fantastique, par contre, c'est de vivre animé de cette envie de faire mieux, toujours.»

WATCH DOGS: À SURVEILLER

Le jeu Watch Dogs, qui sera lancé demain, est la nouvelle marque qui a enregistré le plus de précommandes dans l'industrie en 2014, selon Ubisoft. Créé à Montréal, le nouveau jeu a pour objectif de prendre le contrôle du système de surveillance de la ville de Chicago afin de piéger les adversaires.

UBISOFT MONTRÉAL EN QUELSQUES CHIFFRES



> 80 jeux créés depuis 1997

> 2600 employés à Montréal (2700 avec Hybride technologies, basé dans les Laurentides)

> 350 employés à Québec

> Plus gros succès: franchise Assassin's Creed, 75 millions d'unités vendues