Le projet Arctic Fibre permettra de relier Tokyo à Londres par câble sous-marin. Le tracé empruntera le passage du Nord-Ouest, donc une partie du Grand Nord québécois. Une belle occasion de brancher les 14 villages nordiques du Nunavik pour qu'ils aient enfin accès à un réseau internet digne de ce nom. Rien n'est toutefois gagné pour les 13 000 Inuits de cette contrée boréale.

La vitesse est un enjeu crucial en technologies de l'information. Douglas Cunningham, fondateur et PDG d'Arctic Fibre, l'a compris. Avec l'aide de fonds d'investissement new-yorkais, l'homme d'affaires torontois injecte 625 millions dans ce réseau Asie-Europe, dont la mise en service est prévue pour 2016.

Gains en rapidité

En favorisant l'Arctique pour relier par fibre optique le Japon à l'Angleterre, M. Cunningham réduira de presque 7000 km (15 700 km au lieu des 22 000 km actuellement) la distance entre les deux continents. Résultat: des gains en rapidité qui se mesurent en millisecondes. Ce qui peut être un avantage concurrentiel dans le secteur des transactions boursières, explique Douglas Cunningham.

Or, tant qu'à faire passer un câble sous-marin près de la baie d'Hudson et de la baie d'Ungava, pourquoi ne pas en profiter pour brancher les communautés nordiques du Québec?

Arctic Fibre propose d'implanter un réseau de fibres optiques au Nunavik pour 300 millions, soit 12 millions par année sur 25 ans. Est-ce réaliste pour un territoire de 500 000 km2, sans route ni réseau électrique? Et qui va payer?

Actuellement, au Nunavik, le service internet est satellitaire. Il est très lent, soit 1,5 mégabit par seconde (Mbps) en téléchargement. Malgré tout, il coûte 80$ par mois. Et c'est parce que ce service est largement subventionné. Autrement, le tarif mensuel serait d'environ 300$. À titre comparatif, le service minimal de Vidéotron dans l'île de Montréal est de 5 Mbps, et il coûte presque 10 fois moins cher.

Fermes de serveurs

Grâce à l'avènement de la fibre optique au nord du 52e parallèle, certains évoquent l'arrivée de fermes de serveurs. En effet, les Google et autres Microsoft de ce monde sont à la recherche de sites nordiques pour y implanter leurs serveurs, qui doivent être refroidis à peu de frais.

Selon un spécialiste en informatique du Grand Nord québécois qui préfère conserver l'anonymat, ni le réseau de fibres optiques d'Arctic Fibre ni le marché des fermes de serveurs ne sont viables. Du moins, pas au Nunavik.

«Le réseau d'Arctic Fibre serait un pas en avant, mais pas nécessairement une révolution, dit-il. Tant qu'à investir des millions, le gouvernement devrait bâtir sa propre infrastructure en suivant le modèle du réseau Eeyou, qui appartient à 50% aux Cris de la Jamésie et qui prend naissance au Lac-Saint-Jean.»

Quant aux fermes de serveurs, elles pourraient s'implanter plus au sud, à Chisasibi, par exemple. «Là, au moins, il y a une route [route de la Baie-James] et de l'hydroélectricité disponible. Au Nunavik, il n'y a aucune route. Et toute l'énergie à fort coût est produite avec du diesel. Les grandes entreprises veulent de l'énergie à peu de frais, mais surtout, plusieurs réseaux de fibres optiques en cas de panne. On est encore loin de cela dans le Nord-du-Québec.»