Des projets miniers enterrés partiellement. Des investissements gaziers et dans les chemins de fer sur la voie d'évitement. Des institutions prêteuses devenues plus frileuses. Des baisses marquées du prix des métaux.

Le Plan Nord aurait-il perdu le nord depuis que le gouvernement a décidé d'en faire le Nord pour tous?

Chose certaine: au nord du 49e parallèle, l'enthousiasme et la frénésie autour de ce projet semblent avoir fait place au réalisme économique.

Les sociétés minières sont les premières à l'admettre. Les conditions du marché sont déprimées. À les entendre, il faudra patienter avant d'espérer en faire la baie James du XXIe siècle.

Évaporées, les promesses d'un boom minier sans précédent qu'avait fait miroiter le gouvernement Charest lors du lancement de ce vaste chantier, il y a trois ans?

«C'est sûr qu'il y a un fort ralentissement, concède Normand Champigny, président du conseil d'administration de Minalliance, qui représente les sociétés minières. On le voit partout. Des projets d'exploration sont sur les tablettes, tournent au ralenti ou ont été reconfigurés pour en réduire les coûts.»

Selon son dernier décompte, près de la moitié des 11 grands projets miniers ont été abandonnés ou réévalués.

Cela a-t-il à voir, ne serait-ce qu'en partie, avec la vision de l'actuel gouvernement, qui a maille à partir avec l'industrie minière sur la question des redevances? «C'est le contexte mondial qui est difficile en ce moment, répond l'ingénieur géologue. Ailleurs, c'est la même chose.»

Mais la question lui brûle les lèvres. «On ne sent pas un engouement, ni un grand appui de la part du gouvernement, laisse-t-il tomber. C'est ce qu'on observe. La poussée n'est pas très forte.»

Il ajoute: «On souhaiterait que le gouvernement s'exprime avec beaucoup plus d'enthousiasme sur ce projet porteur et qu'il montre son véritable intérêt à développer le Nord. C'est notre avenir. Nous pouvons en tirer de nombreux avantages économiques tout en étant responsables du point de vue environnemental.»

Manque de précisions

Valérie Fillion, directrice générale de l'Association de l'exploration minière du Québec, opine dans le même sens. «À notre connaissance, il n'y a pas eu de grosses annonces de faites depuis qu'on a changé le nom du projet pour en faire le Nord pour tous», relève-t-elle.

Elle aimerait connaître les orientations du gouvernement Marois, au-delà, ajoute-t-elle, des questions entourant le développement durable.

«On nous dit vouloir soustraire 50% du territoire au développement industriel, mais ça va se faire où précisément, et comment? On n'en sait rien», se questionne Valérie Fillion.

Elle précise sa pensée: «Nous ne sommes pas contre le principe de protéger l'environnement, mais il faut voir ce qui se fait ailleurs. Il n'y a pas un pays au monde qui protège son territoire du développement industriel à hauteur de 50%.»

Faire du sur-place

De son côté, Normand Champigny se garde bien de lancer toutes les pierres au gouvernement. Parce que si l'industrie tourne actuellement au ralenti, dit-il, c'est aussi parce qu'elle n'a pas toujours tenu ses promesses.

«Des minières ont déçu les investisseurs et les financiers, relève-t-il. Tantôt la rentabilité n'a pas été atteinte, tantôt le taux de découvertes de nouveaux gisements n'a pas été à la hauteur des attentes.»

Et le Plan Nord - plutôt le Nord pour tous - dans tout cela? De toute évidence, ça n'apparaît plus comme le Klondike pour les sociétés minières, d'autant plus que le prix des métaux a chuté de 15 à 20% au cours de la dernière année.

Que faire en attendant que le Nord redevienne lumineux? «C'est dans les périodes creuses qu'on a besoin d'être mieux accompagnées», estime Normand Champigny.

Il précise: «Il est encore plus important que le gouvernement accompagne l'industrie, qui a besoin de stabilité. Quand les cycles sont bas, quand les prix sont bas, nous avons besoin d'être encouragés. Ce n'est pas le moment de changer les règles du jeu.»

Un exemple? «En voulant modifier le régime sur les redevances, le gouvernement crée de l'incertitude, avance-t-il. Ça risque de rendre l'industrie moins compétitive, une entreprise pourrait reporter ses investissements ou aller ailleurs.»

Le gouvernement Marois tenterait d'en finir avec ce dossier qui ne fait pas l'unanimité dans l'industrie. Une nouvelle formule de redevances minières pourrait d'ailleurs être mise de l'avant en janvier 2014.

À cette fin, le gouvernement minoritaire a déposé récemment un projet de loi prévoyant des modifications importantes sur le plan fiscal.

Il modifierait le taux unique d'imposition des profits des sociétés minières, qui se situe actuellement à 16%, et instaurerait un niveau d'impôt progressif, entre 16 et 28%, en fonction de la marge bénéficiaire. En outre, un impôt minimal de 1% s'appliquerait sur la valeur du minerai.

Le projet de loi devra toutefois faire l'objet d'une consultation, comme l'ont réclamé les deux partis de l'opposition, en raison des «incidences financières majeures pour l'avenir économique du Québec».