La tendance est claire: depuis le début du millénaire, les entreprises québécoises délaissent progressivement les États-Unis pour se tourner vers d'autres marchés internationaux. Cette semaine, nous faisons le point sur le secteur des médicaments.

L'Europe domine peut-être le marché du médicament sur la planète, mais le Québec tire aussi son épingle du jeu.

Dans cette optique, doit-on se méfier d'un accord de libre-échange entre le Canada et l'Union européenne? Si l'accord est susceptible de changer la donne pour bien des manufacturiers québécois, la situation est plus opaque dans le secteur du médicament. C'est du moins l'avis de Jason Langrish, directeur général du Forum sur le commerce Canada-Europe, un groupe d'intérêt représentant à la fois des gens d'affaires du Canada et de l'Europe qui a suivi de près les négociations entourant l'accord. «C'est vraiment difficile à prédire», répond-il à ce sujet, expliquant que les négociateurs se sont avant tout penchés sur des questions de droit touchant à la propriété intellectuelle des fabricants de médicaments originaux.

La question a tout de même le mérite d'être posée, compte tenu de la place qu'occupe l'industrie pharmaceutique dans l'économie québécoise. Non seulement fabrique-t-on des médicaments au Québec, mais encore on en exporte, et ce, pour une valeur de plus de 1 milliard annuellement. Si ce chiffre vous impressionne, celui relié aux importations vous jettera littéralement par terre: en 2012, la province achetait de l'étranger pour une valeur de 2,5 milliards en médicaments. Une somme qui fait de ce groupe de produits le quatrième en importance pour le Québec en matière d'importations, et ce, tout juste derrière les produits du pétrole et du gaz, ainsi que les pièces de l'aéronautique.

Là où la question de l'Europe devient importante, c'est que 69% de ces importations réalisées en 2012 provenaient du Vieux Continent. Des achats qui pèsent donc lourd dans la balance commerciale du Québec. À eux seuls, les pays membres de l'Union européenne ont exporté en 2012 pour près de 289 milliards US en médicaments. Un véritable moteur pour cette économie qui est derrière 64% des exportations mondiales de produits pharmaceutiques. En ajoutant les chiffres de la Suisse et des autres pays non membres de l'Union, c'est même 77% des exportations mondiales qui proviennent d'Europe.

Principaux acheteurs de médicaments québécois

Les fabricants québécois de médicaments oeuvrent soit dans le secteur du médicament d'origine, soit dans celui du médicament générique. Leurs exportations sont à 65% destinées aux États-Unis.

(1) États-Unis : 704

(2) Allemagne : 65

(3) Belgique : 54

(4) Royaume-Uni : 23

(5) Ukraine : 21

(6) Corée du Sud : 15

(7) Japon : 15

(8) Singapour : 13

En millions de dollars, en 2012.

Source: Industrie Canada

Nouvelles règles du jeu

Les négociations de l'accord de libre-échange ont surtout porté sur les nouvelles règles du jeu qui uniront les fabricants de médicaments originaux, ou «novateurs», à ceux qui produisent des versions génériques, vendues jusqu'à 75% moins cher que les versions originales. Forte de son industrie du médicament novateur, l'Union européenne voulait accroître la portée des droits des grandes sociétés pharmaceutiques en étendant, entre autres, la durée de vie des brevets et en augmentant la protection de leurs données. Elle n'aura obtenu qu'une partie de ce qu'elle souhaitait. Ainsi, en plus de voir la protection de certains brevets gagner jusqu'à deux ans de plus, l'industrie du médicament novateur a obtenu un droit d'appel pour contester toute décision défavorable rendue en première instance contre un fabricant de médicaments génériques.

Selon Jason Langrish, DG du Forum sur le commerce Canada-Europe, il faut reconnaître le travail des fabricants de médicaments novateurs, même si une partie de l'industrie canadienne repose sur les génériques, surtout en Ontario. «Si on ne crée pas le produit initialement, il n'y a rien à copier», dit-il. Marc-André Gagnon, professeur de politiques publiques à l'Université Carleton et spécialiste des programmes pharmaceutiques, croit que ces nouvelles mesures, si elles devaient être adoptées dans leur forme actuelle, alourdiraient la balance commerciale du Québec. «Si on augmente le régime de protection de la propriété intellectuelle au Canada, ça risque d'augmenter des coûts», dit-il.

Importations québécoises de médicaments



L'an dernier, le Québec a acheté pour 1,7 milliard de dollars de médicaments à l'Europe. Un chiffre qui représente 69% de toutes ses importations de médicaments. Signe que les temps changent, l'Inde a devancé la Suisse pour la première fois en 2012 au chapitre des principaux fournisseurs de médicaments du Québec.

Pays | Valeur

Allemagne | 561

États-Unis | 478

France | 353

Royaume-Uni | 286

Irlande | 164

Singapour | 153

Italie | 90

Inde | 52

Suisse | 49

En millions de dollars, en 2012.

Source: Industrie Canada