Ne parlez plus du Plan Nord. Désormais l'appellation officielle est «le Nord pour tous». Pour le reste, sept mois après le changement de gouvernement à Québec, les entreprises minières attendent de connaître les nouvelles conditions d'exploitation des ressources naturelles. Elles savent que des réflexions sont menées quant au niveau des redevances, au régime des droits miniers et au mode de financement des infrastructures. Mais pour l'heure, elles n'ont qu'une certitude: le changement d'appellation. Et les firmes du secteur s'inquiètent du manque de visibilité qui, disent-elles, pénalise le financement de leurs projets.

Des redevances incertaines

Le gouvernement Marois a déjà annoncé une possible remise en question du niveau des redevances minières, voire de son calcul. Au lieu de taxer les seuls profits nets réalisés par les entreprises minières, une redevance basée sur la valeur brute du minerai pourrait ainsi être ajoutée.

Mais les décisions se font attendre, au grand dam des entreprises du secteur minier. «L'incertitude a augmenté comparativement à avant les élections, affirme Michel Landry, leader national pour l'initiative du Nord chez Deloitte. Il n'y a pas de vision claire pour le moment, clairement énoncée. Ça crée de l'incertitude.»

Sur le terrain, ce flou se traduit par le report ou l'annulation de projets. «Nous constatons un ralentissement certain, indique Nochane Rousseau, leader du secteur minier chez PwC. Plusieurs projets miniers ont été mis sur la glace ou ont vu leur développement poursuivi moins vite que prévu.»

Ce ralentissement est perceptible dès la phase d'exploration minière. «On attend les décisions sur les redevances», observe Valérie Fillion, directrice générale de l'Association de l'exploration minière du Québec, qui revendique 252 entreprises membres et 2000 adhérents individuels. «Nous avons besoin de règles stables et claires. Si on n'est pas concurrentiels, cela remet en jeu des projets.»

Des infrastructures en attente

En février, c'est le CN qui avait annoncé la suspension de son projet de chemin de fer entre Sept-Îles et Schefferville. L'entreprise ferroviaire se donne d'ici juin pour annuler définitivement ou non sa participation à la construction de cette infrastructure.

Il faut dire que, là aussi, les règles pourraient changer dans les prochains mois. Un Secrétariat au développement nordique sera dévoilé «prochainement», indique le ministère des Ressources naturelles (MRN). Ce nouvel organisme se penchera sur un nouveau modèle d'affaires applicable aux infrastructures du Nord, précise Nicolas Bégin, le responsable des relations avec les médias du MRN.

Un moratoire sur la filière uranium

Début avril, c'est la minière Strateco qui a fait les frais de l'annonce d'un moratoire sur les projets d'uranium dans la province. En une journée, son action a perdu la moitié de sa valeur, après que le ministre du Développement durable, de l'Environnement, de la Faune et des Parcs, Yves-François Blanchet, a indiqué son refus de délivrer une certification d'autorisation environnementale pour des projets liés à l'uranium jusqu'à ce que le Bureau d'audiences publiques sur l'environnement (BAPE) ait évalué les impacts environnementaux et sociaux de la filière.

Strateco attendait depuis l'été 2012 sa certification pour sa mine d'uranium de Matoush, dans les monts Otish, à 250 kilomètres au nord de Chibougamau.

Des marchés volatils

En plus de vivre dans l'attente des mesures gouvernementales, les entreprises minières affrontent un contexte mondial incertain. Les prix des matières premières tendent à baisser, dissuadant les investisseurs de financer de nouveaux projets. Au premier trimestre 2013, pour la première fois depuis dix ans, le secteur minier canadien n'a réalisé aucun appel public à l'épargne à la Bourse de Toronto et à la Bourse de croissance TSXV.

Conséquence directe de cette volatilité, la firme américaine Cliffs Natural Resources a annoncé la suspension prochaine de la production à son usine de boulettes de minerai de fer de Sept-Îles. Cette décision prendra effet au deuxième trimestre de l'année. L'entreprise invoque la baisse du prix des boulettes sur le marché, ainsi que les coûts élevés de production de cette usine.

L'association minière du Québec n'a pas répondu à notre demande d'entrevue.