Devant l'imminence d'un accord économique et commercial global (AECG) entre l'Union européenne et le Canada, les entreprises québécoises peaufinent leurs stratégies pour conquérir de nouveaux marchés outre-mer. Les signaux sont positifs, comme l'a exprimé à la mi-mars le premier ministre français Jean-Marc Ayrault, qui participait à Montréal à la 17e rencontre Québec-France en présence de la première ministre du Québec, Pauline Marois. La Presse Affaires tente de cerner les enjeux économiques que présente le marché de l'Europe, dans un dossier qui se déploie en quatre volets.

Thierry Pagé évolue dans un domaine où il a avantage à bien sentir le vent. C'est son flair pour les affaires qui l'a amené à exporter en Europe son savoir-faire en détection d'odeurs, et il souhaite que d'autres le suivent dans son sillage.

«Réussir sur les marchés internationaux, ce n'est pas une affaire d'essais et d'erreurs, explique le présidentfondateur de la firme technologique Odotech. Tout est une question de planification et de validation de nos techniques et procédures.»

L'entrepreneur sait de quoi il parle. Il multiplie depuis 2002 les allersretours entre le Québec et le vieux continent pour s'assurer que les détecteurs d'odeurs pour le secteur industriel, conçus et inventés par son équipe québécoise, réagissent quand on détecte des odeurs suspectes.

Les usines de traitement des eaux, composteurs et autres terrains d'enfouissement demeurent les clients privilégiés par Odotech.

«L'Europe, c'est notre premier marché d'exportation, souligne Thierry Pagé. Nous y sommes solidement implantés, sans doute parce que nous avons visé la bonne cible et déployé la bonne stratégie.»

Il évite toutefois de tomber dans les généralités du genre «si on a un bon produit, on va trouver preneur, peu importe qu'il se trouve au Québec ou en Europe». Il admet volontiers que c'est beaucoup plus compliqué de percer un nouveau marché, et à plus forte raison s'il se trouve à des milliers de kilomètres de la maison.

« Si on veut connaître du succès à l'étranger, fait-il valoir, il faut commencer par s'entourer de collaborateurs compétents, miser sur des équipes solides et faire un suivi serré avec vos clients pour s'assurer que votre produit est bien adapté à leurs besoins.»

Il faut croire que cette formule est la bonne. Odotech rayonne en France, en Italie, au Portugal, en Grande-Bretagne. Mais Thierry Pagé ne cache pas que la crise économique qui frappe plusieurs pays d'Europe fait des victimes chez certains de ses clients industriels, acheteurs de sa technologie.

«Puisque nous travaillons étroitement avec les entreprises qui achètent nos systèmes de détection, nous sommes en mesure de constater l'ampleur de la crise économique, reconnaît-il. On voit bien le sentiment d'inquiétude qui s'est emparé de plusieurs entreprises.»

En dépit de ce fort ralentissement, sa firme réussit à maintenir sa vitesse de croisière. «Nous sommes même en croissance, mais nous devons rester alertes, précise-t-il. La crise qui frappe l'Europe est loin d'être terminée. Pour passer à travers sans trop de dommages, il faut s'adapter, améliorer nos technologies, faire de nouvelles propositions à nos clients.»

Cela ne devrait pas décourager les entrepreneurs québécois qui ont le goût du défi, croit-il. Le président d'Odotech aimerait voir encore plus d'entreprises québécoises se tourner vers les marchés d'exportation, en particulier en Europe, où il voit des perspectives d'avenir pour des sociétés technologiques.

«C'est en se tournant vers d'autres marchés qu'on consolide ses forces localement, qu'on crée des emplois de qualité chez nous et qu'on bâtit des petits sièges sociaux, au Québec, qui seront appelés à devenir plus gros », analyse-t-il.

L'Europe en chiffres

18 400 MILLIARDS DE DOLLARS

Produit intérieur brut des 27 pays faisant partie de l'Union européenne (UE). Cela fait de l'UE la première puissance économique au monde. Suivent les États-Unis, le Japon et la Chine.

21 125 EUROS

Produit intérieur brut (PIB) par habitant au sein de l'Union européenne. Aux États-Unis, le PIB par habitant se situe à 48 100$.

167 ENTREPRISES

Nombre d'entreprises, parmi les 500 plus importantes au monde, ayant leur siège dans l'Union européenne. On en dénombre 153 aux États-Unis et 64 au Japon.

(Sources : Trader-Finance.fr et magazine Fortune (2008).

Le moment de faire une percée

Risqué, le marché européen? «Au contraire, c'est plutôt le moment d'y faire une percée. En se positionnant maintenant, nos entreprises pourront prendre une longueur d'avance quand se pointera la reprise», suggère Michel Leblanc.

Alors qu'un accord de libre-échange entre le Canada et l'Union européenne est en cours de négociation, le président de la Chambre de commerce du Montréal métropolitain croit au «fort potentiel» de l'Europe, en dépit des crises économiques qui affaiblissent plusieurs pays du continent.

«Il va y avoir une demande latente qui va s'exprimer, précise-t-il. Voilà pourquoi nous encourageons nos entreprises à aller en Europe, à renforcer leurs liens de distribution.»

Mais à quel secteur de production cela profitera-t-il? «Il est à prévoir que notre expertise en matière de services-conseils sera de plus en plus recherchée par les clients européens, indique-t-il. Nous y sommes déjà très actifs, et c'est clair qu'il y aura une demande accrue avec l'entente négociée.»

L'accès au crédit bancaire

Michel Leblanc considère par ailleurs que les entreprises québécoises détiennent des avantages que leurs concurrents européens n'ont pas quand vient le temps d'obtenir du financement bancaire en vue d'une acquisition.

«Ici, il est plus facile d'obtenir du financement, explique-t-il, parce que notre économie est robuste et solide. Les problèmes d'accès au crédit bancaire ne se posent pas. Ce qui n'est pas le cas en Europe. Là-bas, même si un projet est intéressant, les banques sont frileuses et hésitent à le financer.»

Il aimerait enfin que Montréal devienne une plaque tournante pour les entreprises européennes qui veulent augmenter leur volume d'activités en Amérique du Nord ou au Canada, de la même manière que Vancouver est une porte d'entrée pour les entreprises de la zone Asie-Pacifique.

«Nous prenons le pari que nos exportations vont augmenter outre-mer et que des entreprises européennes vont venir à Montréal pour cibler les marchés canadien et nord-américain», conclut Michel Leblanc.