Les jeunes qui sortent des écoles d'ingénierie et qui constituent la relève du génie-conseil accéderont aux postes de cadres intermédiaires plus rapidement que toutes les générations antérieures. Devenir gestionnaire tôt dans sa carrière, voilà le destin de la relève.

«Nous vivons actuellement une pénurie de gens d'expérience pour remplir ces postes de cadres intermédiaires, confirme Daniel Lebel, président de l'Ordre des ingénieurs du Québec. Cette carence provient du fait que, dans les années 90, il y a eu une certaine désaffection pour la profession d'ingénieur-conseil. Il n'y avait pas de grands travaux en cours, la demande était relativement faible. Les jeunes de cette époque ont choisi d'autres spécialités du génie. Mais maintenant, avec tous les grands travaux d'infrastructures qui s'en viennent, pont Champlain et autres échangeurs Turcot, le besoin est criant.»

À l'Association des ingénieurs-conseils du Québec, on abonde dans le même sens. Selon Johanne Desrochers, présidente-directrice générale de l'Association, on observe un trou dans la démographie des ingénieurs civils. «Plusieurs grands patrons sont au seuil de la retraite. Les membres de la génération intermédiaire sont relativement peu nombreux. La jeune génération va donc devoir reprendre le flambeau très tôt dans sa carrière. Fort heureusement, la profession d'ingénieur-conseil attire plus de jeunes gens qu'auparavant. C'est aujourd'hui 18% de nos 60 000 ingénieurs et cette proportion reste stable depuis quelques années.»

Formation pour jeunes cadres

À l'Association des ingénieurs-conseils, on a invité la relève au conseil d'administration. Simon Davidson, 27 ans, diplômé depuis tout juste cinq ans, siège au C.A. depuis la fin du mois d'août 2012. «Le défi de la décennie, c'est bel et bien la relève en cadres intermédiaires, affirme-t-il. À l'Association, nous faisons un effort très important pour préparer les jeunes à relever ce défi. C'est un de mes mandats.»

M. Davidson est président du Forum des jeunes professionnels, initiative de l'Association. Le Forum organise quatre conférences par année et les portes sont ouvertes aux jeunes ingénieurs-conseils de 35 ans et moins. Les thèmes de ces causeries n'ont pas grand-chose à voir avec les ponts et les chaussées. On vise plutôt la communication critique, les attitudes émotionnelles du leader, la négociation gagnant-gagnant et le plan de carrière. Le Forum organise aussi des visites de grandes infrastructures permettant d'échanger avec le superviseur du projet. Il s'agit donc clairement de former des cadres.

Selon Johanne Desrochers, ces activités sont très populaires auprès de la relève en génie-conseil. «Nos moins de 35 ans répondent avec enthousiasme. Les conférences attirent en moyenne 200 jeunes et, fait réjouissant, 40% de ces jeunes sont des femmes.»

Et ce n'est pas tout. Selon Simon Davidson, les jeunes ont exigé et obtenu deux sièges à chaque comité de l'Association.

À l'Ordre des ingénieurs du Québec, on souligne que les employeurs eux-mêmes ont compris l'importance de la relève. «Le mentorat n'a jamais été un outil aussi important que de nos jours, assure Daniel Lebel. Quant à nous, à l'Ordre, nous poursuivons notre travail de formation continue. Elle est obligatoire pour tous les ingénieurs, à raison de 30 heures tous les deux ans, et elle vise à augmenter encore le professionnalisme des ingénieurs: habiletés communicationnelles, aptitude à gérer des équipes et à gérer des projets.»

«Il faut redonner sa fierté à la profession, insiste Simon Davidson. La jeune génération doit savoir qu'au-delà de la collusion, il y a une profession éminemment utile à la société.»