Le fléchissement du prix du fer et la suspension des travaux à la mine de Cliffs Natural Resources, au lac Bloom, le 18 novembre dernier, ont-ils sonné le glas du Plan Nord? Et la décision de Rio Tinto de renoncer à son projet de doubler sa capacité de production de fer? Non, affirment les promoteurs de la modernisation du port de Sept-Îles, un projet de 220 millions de dollars.

Les travaux de dragage, entrepris en juillet 2012, se poursuivent comme prévu, selon le maire de Sept-Îles, Serge Lévesque. «Nous voulons toujours devenir un port d'exportation du minerai de fer.» Quant à Pierre Gagnon, président-directeur général du port, il est encore plus catégorique: «Pourquoi se laisser distraire par un incident passager sur les marchés? Nous travaillons pour un horizon de 50 à 100 ans! Le fer de la fosse du Labrador sortira éventuellement de là, et il sortira par le port de Sept-Îles!»

La modernisation du port est un projet public-privé. L'Administration portuaire de Sept-Îles y investit 55 millions et le gouvernement fédéral, 55 millions. Les 110 millions restants dépendent de la clientèle minière du port.

Cette clientèle a-t-elle été effarouchée par la torpeur récente qui a saisi le marché mondial du fer? Veut-elle retirer ses billes?

«New Millenium et Tata Steel n'ont pas bronché et procèdent normalement, selon l'échéancier prévu. Ils continuent le financement de la modernisation du port», affirme le maire Lévesque. Rappelons que New Millenium et Tata se sont engagés pour 12 millions de dollars afin d'expédier cinq millions de tonnes de minerai par an. «Century Iron Mines est toujours là aussi», confirme le maire.

Pour relier la fosse du Labrador à Sept-Îles, il faudra un chemin de fer. «On est à déterminer le tracé potentiel, précise M. Lévesque. Nous souhaitons qu'il passe uniquement sur le territoire du Québec, de façon à ne pas avoir à passer par le cadre juridique fédéral, ce qui simplifie les choses. Je vois le début de sa construction pour 2015-2016.»

Entre-temps, à Sept-Îles, on évalue la qualité du sol afin de déterminer l'emplacement exact de la cour d'entreposage des millions de tonnes de minerai.

Prudence

Même si on a bon espoir de voir les activités minières - desquelles tout le reste dépend - reprendre rapidement, on fait montre d'une certaine prudence, notamment au sujet du développement des infrastructures de Sept-Îles.

«On va éviter d'investir massivement dans les rues, les égouts et les aqueducs, prévient Serge Lévesque. On l'avait fait à tire-larigot au début des années 80. Et puis catastrophe! M. Mulroney a fermé l'Iron Ore à Schefferville. Voilà des investissements prématurés, et on n'en fera pas cette fois-ci.»

Le développement domiciliaire est tout de même en cours. En effet, selon le maire, même avant le Plan Nord, la situation était critique. Mais on y va plus prudemment.

Des 200 millions de dollars que le gouvernement Charest a consacrés le 17 juillet dernier aux infrastructures des villes du Nord, Sept-Îles a obtenu 60 millions. Une partie de cette somme sera consacrée au développement domiciliaire, mais d'autres projets recevront aussi leur part: une piscine municipale, un complexe sportif et une maison de la culture.

Vox populi

Sept-Îles et les autres communautés de la Côte-Nord comptent beaucoup sur le prolongement du réseau de Gaz Métropolitain afin de les desservir. Mais, bien sûr, il y a des opposants. Ceux-ci pourraient faire dérailler le pipeline, pour des considérations environnementales ou autres. C'est ce qui est arrivé au gaz de schiste, et c'est qui pourrait arriver aussi à l'uranium.

La Ville de Sept-Îles ne veut pas faire l'autruche. Elle ne fera donc pas la sourde oreille à l'opinion publique; au contraire, elle fera tout pour qu'elle soit encore plus publique. La Ville se donne actuellement un outil d'évaluation de l'opinion publique sur les projets miniers et tout ce qui les entoure, y compris le pipeline gazier.

Elle a donné le mandat de mettre au point cet outil à la Chaire de recherche éco-conseil de l'Université du Québec à Chicoutimi et à l'Institut du Nouveau Monde, organisme sans but lucratif qui met de l'avant la participation citoyenne. «Nous allons sonder sur tous les aspects éthiques, sociaux, environnementaux des projets et publier les résultats», assure le maire Lévesque.